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Décroissance Ile de France
15 avril 2022

La décroissance progresse-t-elle ?



Il est difficile de mesurer le progrès de la décroissance au niveau politique, il fait des apparitions au niveau national ou local depuis le début du XXIème siècle, mais en général le nombre de suffrages ne change pas beaucoup, son succès c’est de pouvoir présenter la décroissance aux électeurs. Il reste les « luttes dans la culture », les publications qui lui sont consacrées ou bien l’occurence du mot. De ce côté, on a plutôt l’impression d’un progrès et le thésard T. Parrique nous informe que le nombre de thèses sur la décroissance a explosé et que la sienne a été consultée 40 mille fois, ce qui est rare. Un progrès sans doute, mais on est loin encore d’un début de rupture culturelle.
La rupture culturelle ne serait possible qu’à la suite d’une « décolonisation de son imaginaire » (Serge Latouche).  La notion d’imaginaire « radical »  a été très bien expliquée par Cornelius Castoriadis pour qui les gens ne sont pas conscients que leurs normes et leurs valeurs sont le produit de leur imaginaire. C’est parce que l’être humain est imagination qu’il peut poser comme une entité quelque chose qui ne l’est pas : son propre processus de pensée. L’enjeu serait donc à la fois de remplacer un ancien imaginaire productiviste, mais aussi de prendre conscience que jusqu’ici les gens produisaient un imaginaire sans le savoir. Insister sur l’importance de l’imaginaire permet de souligner la spécificité de la décroissance comme rupture culturelle plus que simple changement de régime politique.
 Apparamment nous n’avons pas vu s’amorcer même le début d’une rupture culturelle, nous avons plutôt assisté à une aggravation de la crise des valeurs productivistes, la conscience d’une absence de sens progresser. Autrement dit, il s’agirait plus de réactions individuelles ou de petits groupes que de grands mouvements collectifs. On peut néanmoins parler de progrès de la décroissance, mais sans mouvement collectif d’une grande ampleur ces inititatives individuelles, ou de petits groupes risquent vite d’être récupérées. Malheureusment, les évènements récents nous montrent un « retour » (?) des politiques d’Empires, dont la caractéristique est justement de refuser de réfléchir sur sa façon de penser, de s’opposer à la démocratie comme lieu de production des normes par les citoyens. Le contexte devient difficile pour la décroisssance.
Si nous avons pu noter l’emploi accru du mot de « décroissance », la plupart du temps c’est pour le dénigrer (par ex lorsque Daniel Cohn Bendit nous traitait de « cinglés », etc…). Cependant ces dernières années nous assistons à des efforts pour comprendre le sens qui se cache derrière ce mot.
Dans ce domaine il faudrait citer JM Jancovici, son cas est emblématique car il est issu de Polytechnique, le « parti pronucléaire dominant ». Il réduit la problématique de la croissance à celle du progrès des émissions de gaz à effet de serre oubliant ou minimisant les effets négatifs d’autres déchets sur la biosphère comme les déchets nucléaires, etc…Pourtant il a bien compris l’aspect technique de nos problèmes ! Il explique bien le lien entre croissance du PIB et énergie, il évoque même l’impossible découplage absolu entre les deux à travers l’équation de Kaya. Néanmoins pour lui les causes des gaz à effet de serre résident essentiellement dans les énergies carbonées, plus que dans une culture productiviste et surtout il affirme que le nucléaire pourrait nous sauver. Ce faisant, il oublie le lien intrinsèque entre la société carbonée qu’il condamne et le nucléaire ! Comme il ne croit pas à la possibilité d’un changement culturel démocratique et structuré autour de la sobriété, on assiste plus à une récupération (=créer la confusion pour maintenir un pouvoir) qu’à un « progrès » de la décroissance.
En conclusion, si l’on considère l’occurence du mot, les réflexions savantes sur la décroissance, quelques initiatives de petits groupes, on peut évoquer un progrès de la décroissance, mais attention en l’absence de rupture culturelle et à la faveur de l’effondrement qui vient, on pourrait voir apparaitre un mouvement techno-décroissance : exit alors la décroissance dans la joie de vivre !

JLP (paru dans le numéro d'avirl du journal de la décroissance).

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