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Décroissance Ile de France
14 avril 2021

Débat Piolle (EELV) Montebourg (productiviste primaire) : EELV est-il encore antinucléaire ?

Nous avons regardé le débat sur le nucléaire organisé par Reporterre, le quotidien de l'écologie entre Arnaud Montebourg et Éric Piolle. Clarifions ensemble les approximations, contradictions et contre-vérités des deux hommes politiques.

https://www.sdn26-07.org/lesite/2021/04/13/on-a-regarde-le-debat-sur-le-nucleaire-entre-a-montebourg-et-e-piolle/

Ce débat était proposé par le site internet d’information sur l’écologie Reporterre pour la première fois. Modérées par Émilie Massemin et Hervé Kempf, les discussions ont porté pêle-mêle sur l’intérêt du nucléaire dans la lutte contre le dérèglement climatique, l’avenir du nucléaire et du mix énergétique en France et ailleurs, la gestion des déchets nucléaires, et la possibilité de former un gouvernement malgré des désaccords sur la question du nucléaire. Il n’aura échappé à personne que les deux hommes politiques se positionnent dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022.

Les approximations et contre-vérités du débat

Nous ne décortiquerons pas chacune des déclarations faites par les deux débatteurs. Relevons simplement les principales approximations et contre-vérités énoncées dans ce débat.

Non, l’Allemagne n’a pas remplacé son nucléaire par du charbon

M. Montebourg continue de répandre cette contre-vérité selon laquelle l’Allemagne a remplacé son nucléaire par du charbon suite à la décision de sortie du nucléaire prise en 2011 après la catastrophe de Fukushima (à 20min). En réalité, l’Allemagne avait une production électrique brute en charbon et lignite de 262 TWh en 2011, contre 135 TWh en 2020, soit une baisse de 50 %. L’Allemagne suit une trajectoire claire de sortie du charbon et de développement des énergies renouvelables.

Non, il n’y a pas de « doute » sur la gestion des déchets nucléaires

M. Montebourg estime que, si « la question des déchets nucléaires est centrale », il s’agit d’un point sur lequel « il y a un doute » (à 32 min). L’ancien ministre de l’Économie avance même que « nous avons des solutions technologiques pour nous débarrasser des déchets » (à 34min), tout en constatant l’arrêt du programme de recherche industrielle Astrid. Si l’on peut imaginer que les pro-nucléaires ont, eux, par un éclair de lucidité, un doute sur la façon dont ils vont gérer les déchets nucléaires, cela fait bien longtemps que nous devons admettre qu’il n’y a pas de solution à la question des déchets nucléaires : on ne sait pas quoi faire d’autre qu’enfouir les déchets les plus radioactifs sans pouvoir s’assurer de la sûreté de l’opération, les vrais-faux déchets que constituent les combustibles usés devront être requalifiés en vrais déchets quoiqu’il arrive, la transmutation des actinides mineurs ne nous sera d’aucun secours.

Non, le nucléaire ne contribue en aucun cas à l’indépendance énergétique de la France

Comme bien d’autres avant lui, M. Montebourg utilise cet argument en faveur du nucléaire selon lequel le nucléaire contribue à l’indépendance énergétique de la France (32 min). Depuis 2001, les mines d’uranium françaises ont fermé, 100 % de l’uranium consommé par la France est importé (Kazakhstan, Canada, Australie, Niger…).

Non, Tchernobyl n’a pas fait « zéro mort »

S’étant peut-être un peu trop écarté de ses notes, M. Montebourg a affirmé, avant de se dédire réalisant l’énormité d’une telle déclaration, que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl de 1986 n’avait causé aucun décès (à 37 min). Les chiffres les plus optimistes avancés – et très largement critiqués – par le Forum Tchernobyl, groupe d’institutions de l’ONU fondé par l’AIEA évalue à 9000 le nombre de décès à terme et à 200 000 le nombre de personnes souffrant de maladies liées à la catastrophe. Quant à l’Académie des sciences de New York, sa méta-étude estime à 985 000 le nombre de décès survenus à cause de Tchernobyl dans le monde entre 1986 et 2004.

Non, Fukushima n’a pas fait « zéro mort »

L’affirmation, claironnée partout, selon laquelle la catastrophe nucléaire de Fukushima de 2011 a fait « zéro mort » est fausse (à 37 min). Officiellement, d’après le ministère de la Santé japonais, un employé de la centrale est décédé.

M. Montebourg pense que l’on peut « relativiser la question du risque » (sic) en l’associant à un décompte du nombre de décès. Outre le cynisme d’un tel raisonnement, celui-ci minimise, néglige voire méprise toutes les autres conséquences d’un accident nucléaire : cancers de la thyroïde, leucémies, anomalies congénitales, évacuations de populations, territoires rendus inhabitables, production de déchets radioactifs, impacts psychologiques, sociaux et économiques considérables mais difficilement chiffrables, etc.

Non, la cuve de l’EPR de Flamanville n’a pas été fabriquée au Japon

Avant d’être repris par Émilie Massemin, M. Piolle affirmait que la cuve du réacteur EPR de Flamanville avait été conçue et fabriquée au Japon (à 43 min). Cette cuve, non conforme, a bien été fabriquée en France, chez Creusot Forge. Cette erreur serait anecdotique si cette cuve, élément essentiel de la centrale, n’était pas au cœur d’un scandale industriel mouillant EDF, Areva, l’ASN et l’État. Rappelons en quelques mots que cette cuve présente des hétérogénéités dans sa composition, qui l’ont rendue non-conforme, à tel point que le Ministère de l’Écologie a dû modifier la règlementation pour autoriser la mise en service de cette cuve.

Non, on n’a pas « refait la cuve de l’EPR » de Flamanville

M. Montebourg soutient cette contre-vérité selon laquelle, suite aux révélations de l’ASN sur les défauts de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, celle-ci aurait été « refaite » (à 60min). Il n’en est rien.

Bref rappel des faits : en 2012, des essais de qualification de la cuve sont réalisés. Les résultats de ces essais ne seront rendus publics par Areva qu’en avril 2015, et, ô surprise : la cuve n’est pas conforme. Là où la situation devient embarrassante pour l’ASN, c’est que cette dernière a autorisé EDF et Areva, dès novembre 2013, à installer la cuve dans le bâtiment réacteur et à souder le circuit primaire. Alors même que l’ASN attendait les résultats de conformité mais qu’elle soupçonnait déjà fortement que ces résultats se révèleraient négatifs. Bien entendu, dès janvier 2014, EDF et Areva se sont empressés de s’exécuter en installant la cuve. De cette façon, tout retour en arrière serait rendu pratiquement impossible, car il compliquerait le chantier, déjà en retard et avec un budget déjà dépassé.

La fin du nucléaire en France en 2050 ?

M. Piolle plaide contre la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, et pour la sortie du nucléaire en 2050. En indiquant une date de sortie aussi lointaine que 2050, M. Piolle a-t-il conscience, assume-t-il que cela aura pour conséquence la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs (les plus récents) jusqu’à 50 voire 60 ans ?

Remplacer le pétrole et le gaz par le nucléaire en 2050 ?

Quant à M. Montebourg, celui-ci plaide pour une sortie des énergies fossiles en France, au profit d’un mix nucléaire + ENR. Comme M. Montebourg n’évoque quasiment pas les aspects de sobriété et d’efficacité énergétique, comme il dénonce la décision de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique, et comme il lui paraît peu crédible de remplacer tout le pétrole par des ENR, nous nous sommes posés la question suivante : à consommation d’énergie constante, combien de réacteurs nucléaires devrions-nous construire pour substituer la consommation énergétique actuelle assurée par le pétrole et le gaz ? Réponse : environ 225 réacteurs nucléaires supplémentaires à construire (cf. calcul à la fin). En plus des 56 réacteurs actuels. M. Montebourg a-t-il conscience, assume-t-il que ceci conduirait à construire, en moyenne, 5 à 6 centrales nucléaires par région ?

La sobriété : la grande absente du débat

L’élément le plus frappant de ce débat est qu’une notion aussi fondamentale que la sobriété énergétique a été oubliée, autant par M. Montebourg que par M. Piolle. Il ne s’agit en réalité pas d’un oubli puisque les deux hommes politiques avaient 90 minutes pour exposer leurs points de vue sur l’énergie nucléaire, et plus globalement sur la situation énergétique de la France, le dérèglement climatique, etc. Chacun a, à son tour, exposé son projet politique dans la perspective de l’élection présidentielle (à 1h23). Si la sobriété énergétique était un élément central de leur projet politique respectif, il paraitrait incongru de ne pas le mentionner. Au lieu de cela, des questions aussi absurdes que « que se passe-t-il si on supprime tout le pétrole et qu’on le remplace par de l’électricité décarbonée renouvelable ? », « quel coût pour stocker l’équivalent de l’énergie de Tôkyô produite en 100 % éolien dans des batteries ? » (à 1h21) semblent se poser…

La sobriété énergétique – les façons de la promouvoir, ce qu’elle implique sur nos habitudes, notre rapport au vivant, l’économie et l’industrie – devrait pourtant être au cœur du débat politique. En effet, si le pétrole, le gaz et le charbon sont les principaux carburants du système économique mondial engendrant le dérèglement climatique global, il ne suffira pas de changer de carburant – qu’il soit renouvelable et encore moins nucléaire – pour résoudre les problèmes. La réduction de la consommation d’énergie doit être pensée, chiffrée et mise en œuvre au plus vite. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Hervé Kempf quand celui-ci estime qu’il s’agit « une fois de plus, d’un impensé du débat » (à 1h10). Nous ne pouvons que regretter que deux hommes politiques d’envergure nationale négligent une fois de plus cette notion fondamentale.


À consommation d’énergie constante, combien de réacteurs nucléaires devrions-nous construire pour substituer la consommation énergétique actuelle assurée par le pétrole et le gaz ?

 

Capture.PNG

https://www.youtube.com/watch?v=jcaZ_KQyWfs&t=9s

http://www.sdn26-07.org/lesite/atomic-mac-mars-2021-10e-anniversaire-de-la-catastrophe-de-fukushima/

Travail signé par KIM- Stop Nucléaire Drome-Ardèche

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