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Décroissance Ile de France
2 août 2020

UNITECH : Blanchisserie nucléaire et atelier de décontamination

Un projet de laverie de linge contaminé par la radioactivité est en cours à Suzannecourt dans la Marne 52.
Voici un rapport fait par les opposants sur ce projet :

Bertrand Thuillier - Juillet 2020

Comme suite à des demandes d’élus et d’habitants, il nous semblait important de résumer nos principaux points d’argumentation sur le fond contre le projet Unitech à Suzannecourt (52).

Trois dommages environnementaux importants :

1. Rejets liquides dans la  Marne : 

Le traitement du linge, jusqu’à 1 990 t1 rejettera deux types de polluants dans les 42 000 m3 d’eau potable utilisée (21 L/kg de linge) 2 qui sera ensuite rejetée en tant qu’eaux usées dans la Marne. .

I Des polluants chimiques divers3,

chlorures (7 500 kg/an), sulfures (2 400 kg/an), strontium, antimoine... en quantités très importantes dans un tel cours d’eau, on peut noter en particulier les quantités très élevées de rejets de phosphore (plus d’une tonne par an)4 ; le phosphore est particulièrement connu pour son rôle d’activateur de développement végétal5 (algues) et bactérien (cyanobactéries) interdisant alors toutes activités de loisirs et de pêche dans les plans d’eau concernés, et on pense tout particulièrement au lac du Der en aval des rejets. .

II Des polluants radioactifs,

seulement 60 à 67 %6 des radioéléments présents dans les linges seront retenus par le système de filtration mis en place ; dans ces radioéléments, on peut citer par exemple le Cobalt60, le Césium137, l’Uranium238, mais aussi du Plutonium2447 ; il reste très regrettable et incompréhensible de ne pas avoir opté pour des systèmes plus performants que l’on mentionnera en alternative ci-après, d’autant que des phénomènes d’accumulation, de sédimentation, ou de relargages ont été totalement passés sous silence8, pouvant mettre en péril les systèmes d’approvisionnement en eau potable en cas de modification ou de perturbation du milieu. En effet, sans analyse permanente du milieu, les captages d’eaux potables des villages en aval du rejet, presque assimilables à des prélèvements en rivière9, seront par conséquent toujours sous cette menace de polluants. .

III- Un taux de dilution trop faible,

tout particulièrement en période d’étiage, on note déjà des contraintes très fortes imposées à l’installation, en particulier, en ce qui concerne le phosphore. Eneffet, les rejets jusqu’à 300 m3/j10 devront nécessiter une canalisation posée en lit de rivière11, fonctionnant 20 à 24 h/jour, d’un débit limité de 10 à 15 m3 de rejet/h, avec impérativement 3 diffuseurs orientés à 90° afin de permettre une dilution maximum pour le respect des normes à 300 1 :

Arrêté n° 52-2020-06-051 du 08/06/2020, page 7 2 : Dossier Unitech, Indice F - Pièce C, page 67 3 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 22, page 28 4 : Dossier Unitech, indice F - Annexe 22, page 28 : 1 138 kg 5 : Rapport sénatorial 19 mars 2003 - La qualité de l’eau et assainissement en France (annexe 38) 6 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, pages 68, 258 7 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 67 8 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 64 : Rapport de F. CHIESI – Hydrologue - Page 10 9 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 154 10 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 29 11 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 11, page 28 m du point de rejet.

Cependant, cela ne sera sans doute pas tenable à terme, sachant qu’il est estimé une baisse de l’ordre de 25% des débits moyens de la Marne12 à échéance 2050-2070, et qu’il est aisé de constater visuellement durant ces dernières années une baisse constante des débits chaque été. .

2- Prélèvement en eau excessif :

Outre le fait que la dilution des polluants est déjà sous contraintes, la ressource en eau potable ne sera sans doute également pas suffisante, c’était déjà un point d’inquiétude soulevé par les promoteurs du projet fin 2015, et qui a nécessité une réponse en date du 23.11.201513 avec une note du Syndicat des Eaux concerné mentionnant une production des sources égale, voire inférieure à 2000 m3/j. Cette valeur semble élevée, mais il faudra à nouveau s’en assurer, car il faut désormais compter avec les arrêtés de restriction d’eau pour ces trois dernières années en Haute-Marne (août 201814, juillet 201915, juillet 202016). Comment alors concilier les besoins courants avec cette utilisation additionnelle nette de 300 m3/jour pour cette installation, mais aussi avec l’hypothèque17déjà posée, de prélèvement en eau pour les besoins du potentiel projet Cigéo de 500 m3/j, dès le début des travaux. .

3- Rejets atmosphériques :

Si les rejets liquides proviennent en totalité de l’activité de blanchisserie du site, la majorité despolluants atmosphériques proviennent majoritairement de l’atelier de décontamination, avec également deux types de polluants : . Des rejets de métaux lourds, avec des quantités importantes de plus de 600 kg/an18, principalement constitués de Mercure, Plomb, Arsenic, Cobalt et Cadmium, mais aussi des Composés Organiques Volatiles, de l’ordre de 245 kg/an19 ; tous ces polluants génèrent des troubles allant de simples gênes respiratoires, jusqu’à des risques d’effets mutagènes et cancérigènes. . Des rejets radioactifs, dont les impacts semblent avoir été largement sous-estimés ; ces rejets sont constitués20 principalement par du Cobalt et du Césium radioactifs. Deux raisons tendent à montrer que leurs impacts ont été minorés : . La base des calculs repose sur les rejets de la blanchisserie Unitech de Coeverden21 aux Pays-Bas, sauf que les émissions de rejets atmosphériques après filtration sont 15 fois22 plus importantes pour le bâtiment de décontamination que pour l’activité de laverie.

12 : https://www.senat.fr/rap/r18-511/r18-5117.html : Projet Explore BRGM 13 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 31 : Justificatif du syndicat des eaux 14 : Arrêté n° 2117 du 09/08/2018 – Placement du département en niveau d’alerte, usages de l’eau 15 : Arrêté 2387 du 18/07/2019 – Placement du département en niveau d’alerte, usages de l’eau 16 : Arrêté n° 522020-07188 du 23/07/2020 – Placement du département en niveau d’alerte, usages de l’eau17 : Pres_Andra_Cycle_Eau_Avril2018, pages 3 et 5 18 : Dossier Unitech, Indice F - Pièce C, Page 89 – Tableau 25 19 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 63, page 1020 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 79 21 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 79 22 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 79 : 17,1 MBq/an contre 1,14 MBq/an .

Ensuite, il est mentionné23 de manière erronée que « D’autre part, les vents dominants sont les vents d’Est et du Sud-Ouest et tendent à disperser les polluants à l’Ouest....Les habitations situées dans l’axe des vents dominantes (habitations de Thonnance-les-Joinville notamment) sont plus éloignées : de ce fait, les concentrations imputables à la blanchisserie bénéficient d’une meilleure dispersion.». Il suffit de consulter des relevés météo : rose des vents24 ou le site ‘Windfinder.com’, pour la station de Saint-Dizier, pour constater que pour 11 mois sur 12, les vents proviennent de l’axe Ouest / Sud-Ouest, et par conséquent, cela invalide assurément la conclusion de la ‘meilleure dispersion’.

Trois aspects essentiels négligés :

. Etude d’impact incomplète :

La société Rainette chargée de cette étude25 n’a aucunement fait mention de la faune et de la flore aquatique alors que c’est bien le principal milieu touché par les rejets polluants. Dans ses diagnostics écologiques, aucune description de la Marne, rien n’est mentionné sur les invertébrés aquatiques et sur les poissons présents dans cette rivière salmonicole de première catégorie. Ces derniers seront bien les principaux organismes touchés par cette installation, en conséquence des modifications de leur milieu, aussi bien dans sa composition (polluants chimiques et radiologiques), que dans ses caractéristiques physiques (implantation de la rampe de rejet et augmentation de température).

. Enquête publique bafouée :

Dans la décision d’autorisation donnée par la préfecture, il n’a aucunement été pris en compte l’avis très négatif26 exprimé par la population avec 87,92% d’avis hostiles à cette installation, contre 6,74% d’avis favorables. Il est également étonnant de noter que le titre même de l’enquête portant sur « LA RÉALISATION ET L’EXPLOITATION D’UNE BLANCHISSERIE INDUSTRIELLE DESTINÉE AU SECTEUR NUCLÉAIRE »27 ne mentionne même pas l’activité28 d’entreposage et de maintenance de matériels et d’outillages à destination du secteur nucléaire. Enfin, il est incompréhensible que les services de l’Etat aient pu accepter que le promoteur du projetait transmis des informations purement mensongères aux commissaires enquêteurs en leur répondant par exemple : . Que les rejets sont des valeurs « avant filtrage par un filtre Très Haute Efficacité »29, alors que ce sont bien des valeurs après filtration30

. 23 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 22, page 28 24 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 130 25 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 20 : Etude Faune Flore_3.1 26 : Rapport final – Enquête publique dossier n° 1900162/51, page 139 27 : Rapport final – Enquête publique dossier n° 1900162/51, page 1 28 : Dossier Unitech, indice F - Pièce A, page 17 29 : Rapport final – Enquête publique dossier n° 1900162/51, page 193 30 : Dossier Unitech, Indice F - Annexe 22, pages 12, 13 .

Que sur les 11 cheminées, 10 sont des « hottes aspirantes »31, alors que ce sont bien des cheminées32 de sortie de la chaufferie, des sèche-linges, et du groupe électrogène. .

Des procédés plus écologiques, mais jugés trop coûteux :

Le procédé de filtration envisagé est basé sur un tamisage, puis par deux niveaux de filtres à sable33, ne retenant que 60% à 67% des particules radioactives présentes dans les linges ; le promoteur du projet juge les procédés alternatifs (ultra-filtration en particulier) comme trop coûteux, incompatibles financièrement avec le projet34, et sans gain significatif en terme environnemental. Cependant, en effectuant une recherche bibliographique, on note que les procédés à base d’ultrafiltration, voire même de CO2 supercritique, permettent d’abaisser les taux de rejets radioactifs à des niveaux plus de deux fois moindre, par exemple, dans la laverie de linge nucléaire de Philippsburg en Allemagne35, par rapport à ceux annoncés par Unitech ; mais on peut noter aussi que de nouveaux procédés vont jusqu’à utiliser 100 fois36 moins d’eau que les procédés classiques.

31 : Rapport final – Enquête publique dossier n° 1900162/51, page 189 32 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, pages 268 à 269 33 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 254 34 : Dossier Unitech, indice F - Pièce C, page 258 35 : Upgrade of Nuclear Power Plant Laundry Waste and Floor Drain Water Treatment System Utilizing Microfiltration, page 2 (17,9 Bq/L contre 35 Bq/L) 36 : Nature News, March 2004 - New method cleans up radioactive lab coats – Supercritical CO2 helps nuclear laundry go green

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