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Décroissance Ile de France
14 janvier 2023

contre le multiculturalisme, le cas québécois, un texte sarcastique dénonçant les "frayeurs" sans fondement des anglophones...

Le plan québécois d’éradication de l’anglais
14 janvier 2023 Chronique
Cette chronique est la traduction d’un texte (sarcastique) que j’ai commis en anglais, rejeté par le Globe and Mail, le National Post, Maclean’s et les pages Opinion de la CBC avant d’être retenu avec enthousiasme par le Toronto Star. Enjoy !

C’est pire que tout ce que vous avez entendu. L’assaut du gouvernement québécois contre la minorité anglo-québécoise a été brillamment résumé par Marlene Jennings : une « formule parfaite » pour « l’éradication » . Elle est en bonne position pour en juger. L’ancienne députée libérale dirigeait jusqu’à récemment le Quebec Community Groups Network, fer de lance de la lutte contre le plan de François Legault.

Les chiffres ne mentent pas. Les Québécois de langue maternelle anglaise représentent 8 % de la population. Mais qu’en est-il de la capacité à attirer de nouveaux venus dans le giron anglo, compte tenu de l’énorme pouvoir d’attraction du français sur le continent ? La proportion de Québécois qui utilisent davantage l’anglais que le français dans leur vie quotidienne n’est que de 14 %. Cela ne double même pas le compte ! Certes, 44 % de tous les Québécois parlent anglais, tout comme près de 80 % des jeunes Montréalais francophones, mais c’est une bien piètre consolation.

Les politiques d’immigration intolérantes du Québec n’ont laissé la possibilité d’entrer dans la région de Montréal qu’à environ 90 000 nouveaux arrivants anglophones unilingues depuis l’élection de la CAQ — ce qui ajoute à peine 14 % à la population anglo-saxonne, alors vous pouvez voir où cela nous mène.

La presse anglophone a bien établi que la nouvelle loi caquiste sur la langue sévirait contre tout médecin ou toute infirmière qui oserait parler anglais à quiconque n’est pas membre de la « communauté anglophone historique », c’est-à-dire ceux qui ont fréquenté l’école anglaise. Le texte même de la loi tente de cacher ce fait en stipulant que le français est requis « sauf en santé », puis un article en particulier étourdit les juristes en prétendant qu’il ne s’applique pas spécialement à la loi générale sur la santé.

Ne vous laissez pas berner par le fait que cette autre loi oblige les hôpitaux de toutes les régions à mettre en place des plans d’accès en anglais et à rendre des services en anglais à toute personne qui en fait la demande. En réalité, les Anglo-Québécois n’ont guère d’autres ressources que les 37 établissements anglophones du réseau public de la santé, qui emploient à peine 45 % des travailleurs de la santé de l’île de Montréal.

En dehors de ce petit cocon, les anglophones ayant besoin de soins médicaux auront de la chance s’ils tombent entre les mains de la faible proportion de médecins francophones qui parlent leur langue : 88 %. Il est clair pour quiconque s’intéresse à ces questions que les Canadiens francophones hors Québec se révolteraient si leur accès à la santé dans leur langue était aussi limité.

C’est encore pire, bien sûr, sur le marché du travail. Les lecteurs de Toronto savent, grâce au chroniqueur du Globe and Mail Andrew Coyne, que « la loi interdit l’usage de toute autre langue que le français dans les lieux de travail de la province, grands ou petits, publics ou privés ». Concrètement, la nouvelle loi étend aux entreprises de taille moyenne la réglementation qui s’applique depuis 35 ans aux plus grandes.

Le mal est donc déjà fait : au dernier recensement, la proportion des travailleurs de la région de Montréal qui utilisent surtout l’anglais au travail est tombée à 20 %, et la proportion de ceux qui l’utilisent régulièrement, à 49 %.

Au Québec, seulement 14 % des postes de direction sont occupés par les 8 % d’anglophones, ce qui leur donne un avantage systémique ridiculement petit. Dieu merci, des p.-d.g. rebelles à Air Canada, SNC-Lavalin, la Banque Laurentienne, le Canadien National et Couche-Tard, fiers anglophones unilingues, permettent à tous leurs cadres supérieurs et à leur personnel de soutien de s’épanouir en anglais, quelle que soit leur origine linguistique. Voilà ce qu’on appelle l’inclusion.

L’oppression linguistique québécoise est particulièrement offensante en matière d’éducation. Le célèbre projet de loi 101 de René Lévesque a retiré le droit de choisir entre l’école française et l’école anglaise de la maternelle à la 12e année à tous, à l’exception des Anglo-Québécois et des immigrants qui fréquentaient les écoles anglaises avant 1977, qui conservent le droit de choisir (et peuvent le transmettre à leurs descendants pour l’éternité), ainsi qu’à tout Canadien anglais scolarisé dans la langue de Shakespeare qui déménage au Québec (et à ses descendants, pour l’éternité). Épouvantable.

Certes, les 8 % d’anglophones ont accès à 17 % des places au cégep et à 25 % des places à l’université, ainsi qu’à 30 % des bourses de recherche : ce n’est que justice. Mais la nouvelle loi plafonne désormais le nombre d’inscrits dans les cégeps anglos à seulement le double de leur proportion dans la population. Ce n’est pas tout. Avant la loi 96, ces établissements d’enseignement supérieur refusaient d’admettre les étudiants anglophones ayant des notes inférieures et donnaient leurs places aux étudiants francophones suffisamment brillants et bilingues pour être acceptés. Le gouvernement nationaliste antianglo oblige désormais les collèges à donner la priorité aux étudiants anglos, ce qui force ces cégeps à se dégrader en accueillant des anglophones sous-optimaux. Honteux, vraiment.

Voici maintenant le coup de grâce. Le gouvernement québécois, tribal, semble convaincu que les enfants anglophones devraient maîtriser suffisamment le français pour réussir dans un environnement de travail où le français est encore, hélas, incontournable. Selon la loi, tous les diplômés des high schools québécoises sont réputés bilingues. Alors pourquoi s’embêter à leur demander d’améliorer cette compétence au cégep ? Cette idée est tellement folle que lorsque le Parti libéral du Québec a proposé que les étudiants anglos suivent trois cours EN français (aux côtés de leurs camarades francos qui suivent TOUS leurs cours en anglais), le scandale a été énorme.

La Fédération des cégeps a annoncé qu’un bon tiers des étudiants anglos échoueraient. Prétendre qu’une personne bilingue devrait pouvoir lire des textes, assister à des conférences et produire un travail dans sa langue seconde est évidemment absurde. Un directeur de cégep anglo, Christian Corno, a mis le doigt sur le bobo en écrivant — en français — que cette abomination était motivée par une volonté « de faire expier les étudiants anglos pour les péchés de leurs ancêtres » (qui peuvent ou non avoir opprimé les francophones dans le passé, une affirmation discutable).

La position de repli a été d’augmenter le nombre de cours de français que ces pauvres élèves devraient suivre, de deux à cinq. Cela ne passe pas non plus : les notes des élèves en pâtiront. Forcer les étudiants à apprendre la langue de la majorité de la population de l’endroit où ils vivent et travailleront est une imposition inacceptable, certainement sans précédent dans le monde.

Les assauts répétés du Québec contre les minorités et les droits religieux pèsent lourdement sur sa réputation et son attractivité à l’international. L’an dernier, seulement 177 000 travailleurs temporaires et étudiants étrangers se trouvaient dans la province. Oui, c’est le triple du total habituel et un record absolu. Mais pensez à ceux qui ne sont pas venus.

Les investissements étrangers sont refroidis par le climat d’intolérance actuel. Dans la région de Montréal, ils n’ont bondi que de 69 %, pour atteindre un niveau record de 3,7 milliards de dollars l’an dernier, mais cela est uniquement attribuable au fait que le Québec affiche un taux de croissance récent supérieur à celui de tous les pays du G7, y compris le Canada. Que ces nouveaux arrivants et investisseurs soient venus au Québec après la polémique et l’adoption du projet de loi sur la laïcité et lors de la polémique sur le projet de loi sur la langue ne fait que souligner la rareté de l’information à leur disposition.

Heureusement, pour la première fois dans l’histoire, le nombre d’Ontariens qui déménagent au Québec dépasse le nombre de Québécois qui déménagent en Ontario. Autrefois, chaque année, il avait entre 3000 et 9000 Québécois qui partaient pour l’Ontario de plus que d’Ontariens qui faisaient le chemin inverse. Mais compte tenu du nouvel environnement toxique, le flux s’est renversé et, l’an dernier, un solde de près de 800 braves Ontariens a traversé la rivière des Outaouais pour s’installer au Québec. (Au total, un nombre étonnant de 29 000 citoyens ont quitté le reste du Canada pour s’installer au Québec en 2021.) Pas simplement pour obtenir un logement plus abordable, de meilleurs services ou des perspectives d’emploi, mais sûrement pour contribuer à faire échouer le plan d’éradication en cours. Il en faudra plus.

S’il vous plaît, venez nombreux ! Dépêchez-vous, avant que le dernier mot anglais ne soit prononcé au Québec.

jflisee@ledevoir.com ; blogue : jflisee.org

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Commentaires
P
Très bon texte , mordant et incisif.<br /> <br /> Je voudrais cependant signaler ou rappeler que le multiculturalisme canadien a un fondement clairement anti-québecois. En effet, c'est P.E Trudeau, le père de son ombre actuel, qui a tenu à ce que soit inscrit dans la constitution canadienne de 1982 ( non signée par le Québec)le fait que toute les lois canadiennes doivent être interprétées dans le sens du multiculturalisme, le Québec étant une province avec une culture comme une autre! Le multiculturalisme est donc plus qu'une politique, c'est une obligation inscrite dans la constitution.<br /> <br /> Il ne faut pas aussi oublier que le même P.E Trudeau a traité les québécois de "bande de pouilleux" et , face à leurs revendications de reconnaissance distincte, d'aller " manger de la m....de!<br /> <br /> Certains anglophones du Québec et du reste du Canada ont encore beaucoup de réflexes, voire de comportements, d'anciens colonisateurs et , même le philosophe C Taylor ne refuse pas, à l'occasion, de participer à des 'Québec-dénigrement" ou "Québec-bashing".<br /> <br /> <br /> <br /> Pierre Leyraud
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