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Décroissance Ile de France
20 janvier 2022

L’accident ou pourquoi « sommes-t’on » antinucléaires ?



Lorsqu’on demande à un antinucléaire pourquoi on doit être antinucléaire en général il évoque sa dangerosité, l’accident possible à chaque instant, les conséquences inimaginables de l’utilisation d’une arme atomique. Et nous sommes bien d’accord. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, et même la prééminence de la catastrophe nucléaire n’est pas toujours suivie de la démarche logique qui s’imposerait quant à son arrêt. Pourtant que ce soit pour les antinucléaires ou pour les pronucléaires la peur de l’acccident et de ses conséquences est primordiale, mais pour des raisons différentes.

Sur diverses causes mises en avant :

Selon les sources, le coût de la construction du parc oscille entre 100 milliards à 192 milliards d’euros auxquels il faut rajouter 10 milliards d’euros pour le renforcement de la sécurité après l’accident de Fukushima, plus 90 milliards d’euros pour ce qu’on appelle la « modernisation » du parc. Et bien entendu on devra payer pour le démantèlement et aussi le stockage des déchets en profondeur si cette option est bien mise en oeuvre un jour.
Du côté militaire de la force obscure du nucléaire, la France consacre chaque année 4 milliards d’euros pour l’entretien de la bombe et il est prévu de passer à 6 milliards, tout cela pour maintenir un « impérialisme nucléaire » de plus en plus vain de la part d’un pays, aux moyens financiers de plus en plus étriqués.
Même les pronucléaires évoquent l’aspect financier, notamment en cas d’accident ; l’ex Président de l’IRSN avait évalué son coût à environ 400 milliards d’euros ! Mais ce n’est pas pour cela qu’il en était devenu antinucléaire…
L’argument des déchets est aujourd’hui de plus en plus cité. C’est chose normale quand un programme de constructions de centrales est terminé depuis longtemps comme c’est le cas en France. Les déchets s’accumulent et après avoir été longtemps dans le déni, l’Etat a été obligé de s’y intéresser à partir des années 1990. Ce n’est pas le sujet de ce texte, nous ne nous y appesentirons pas, mais en conclusion nous savons qu’il n’existe pas de solution de stockage idéal pour les déchets, que toutes doses de radioactivité peut être dangereuse et qu’il y a déjà eu plusieurs accidents impliquant des centres de stockage : Maiack ou bien le WIPP aux Etats-Unis. L’idée des opposants c’est de créer une occlusion du système en empêchant la mise en oeuvre de fausse solution pour le stockage des déchets les plus dangereux. Les déchets s’accumulant et par manque de place, ils espèrent que les pronucléaires vont arrêter la production. Cependant, pour l’instant nous n’ avons pu assister qu’à un surcroit de répression et le projet CIGEO continue, malgré ses impasses, ses risques.

La place prééminente de l’accident :

Mais revenons à l’accident, car sa survenue probable est bien la première cause de l’opposition au nucléaire, avant les déchets et avant l’aspect financier. Dès mars 1957, aux Etats-Unis il a été reconnu comme possible par les nucléocrates suite au rapport « WASH 740 ». Dans celui-ci, on écrit bien que sa probabilité serait « extrèmement basse », mais c’est pour ajouter quelques pages plus loin qu’il est difficile d’estimer la sécurité abolue d’un type de réacteurs  et pour conclure : « toutefois, il devrait être clair que même si on connaissait tous les facteurs significatifs et liés à la sécurité, il serait essentiellement impossible d’assigner des valeurs quantitatives sûres à leur respectives probabilités de fonctionnement et d’en déterminer des indications fiables de la marge de sécurité dans des conditions opérationnelles susceptibles d’exister. » autrement dit l’accident est possible et on n’y peut pas grand chose pour l’éviter…dans le rapport on essaye quand même d’estimer les conséquences d’un accident d’un réacteur de puissance de l’ordre de 400 Gwé, il est question de victimes notamment, de zone contaminée…
La reconnaissance de la possibilité de l’accident  a été - officiellement - niée par les nucléocrates jusqu’en 2011 (avec des exceptions individuelles) et pourtant ce fut le point de départ du programme nucléaire civil. Sans sa reconnaissance - discrète - qui a généré les lois pour en exonérer de responsabilité les opérateurs et les Etats, pas de lancement du programme nucléaire civil, que ce soit aux Etats-Unis ou en France : c’est la phase « assurantielle » du lancement du nucléaire.

-1942 : première mise en service d’un réacteur aux Etats-Unis (voir rapport Wash 740) et 1954 en URSS pour le raccordement au réseau électrique, en URSS pays totalitaire…

- Mars 1957 : rapport Wash 740  sur l’ampleur des conséquences matérielles d’éventuels accidents nucléaires.
- Automne 1957 : vote par le Congrès du « Price Anderson Act » qui limite drastiquement la responsabilité civile des exploitants et industriels du nucléaire par une assurance de type responsabilité sans faute, avec un plafond pour la responsabilité de l'industrie privée de 12,5 milliards de dollars (en 2009). Les indemnisations au-delà de ce plafond sont couvertes par le gouvernement fédéral.
- 1959 : signature de l’accord « de soumission » de l’OMS à l’AIEA. Après avoir éliminé les problèmes de responsabilité, on supprime les problèmes de santé dus à la radioactivité (raccourci certes, mais pas tant…)
- 1960 : adoption de la « Convention de Paris » qui transpose pour l’Europe le « Price Anderson Act ».
- 30 Octobre1968 : adoption par l’Assemblée Nationale française de la loi dérogatoire sur la responsabilité des exploitants d’installations nucléaires.


Sur l’absence du choix démocratique :

Comme on peut le voir il s’agit bien de lois, discutées et adoptées démocratiquement par les représentants élus des deux Nations, l’américaine et la française. Pourtant, les antinucléaires évoquent sans arrêt l’absence de démocratie dans le lancement du programme nucléaire. De deux choses l’une, soit on considère que la démocratie c’est la démocratie représentative moderne née au XVIIIème siècle aux Etats-Unis et en France, et si on n’imagine pas d’autre démocratie possible, c’est bien grâce aux « lois assurantielles » des années 1957 à 1968 que le nucléaire a pu être lancé et de façon démocratique, suite au vote des représentants de la Nation dûment élus.
Soit au contraire on pense, à l’instar de Cornélius Castoriadis que la seule démocratie c’est la démocratie grecque de l’Antiquité, c’est à dire DIRECTE et dans ce cas le nucléaire n’a pas été adoptée de façon démocratique, puisque le peuple n’a pas été consulté directement pour produire ces « lois assurantielles » qui ont déterminé le reste.
Mais combien d’antinucléaires soutiennent la démocratie directe ? Ou du moins nous supposons que beaucoup auraient aimé bénéficier d’une procédure référendaire, au moins pour ce genre de projet important et de dimension nationale. Mais voilà le peuple a adopté une Constitution d’essence quasi monarchique, à 82 % en 1958, avec un taux de participation de 83 % (soit un soutien de 68 % de la population de plus de 21 ans) puis sa principale réforme en 1962 sur l’élection du Président de la république au suffrage universel directe approuvé cette fois encore à 82 % ! On ne peut pas dire que cette Constitution n’a pas été soutenue démocratiquement ! La procédure référendaire d’initiative populaire n’existait pas au moment du lancement du programme nucléaire civil, mais même après son adoption, devant la complexité de sa mise en oeuvre on peut dire qu’elle n’existe pas plus.
Dans tous les cas, le peuple reconduit majoritairement des députés pronucléaires depuis 1958 avec une exception en 1981, mais la gauche élue pour faire un moratoire du nucléaire en a fait plus que la droite….et depuis lors, cette Constitution de plus en plus répressive, de plus en plus pronucléaire continue son bonhomme de chemin et ce n’est qu’avec le mouvement des Gilets Jaunes qu’on a pu voir le débat relancé…

Dans tous les cas, nous pouvons affirmer que sans les « lois assurantielles » et notamment celle du 30 Octobre 1968, il n’y aurait pas pu y avoir de lancement du programme nucléaire civil en France. Nous pouvons donc affirmer que le départ de celui-ci date de 1968 et pas de 1974 avec Messmer.

Sur l’arrêt :

La référence à l’accident a d’autres conséquences, et notamment sur la vision de l’arrêt du nucléaire. Si on part du principe que le nucléaire est incontrolable (le militaire comme le civil d’ailleurs) et qu’il peut être à l’origine d’accidents extrèmement graves pour la biosphère et les humains alors on ne peut qu’exiger son arrêt immédiat. Or, on est loin du « compte logique ». Beaucoup d’antinucléaires reconnaissent que l’accident est possible, que c’est une raison, sinon la raison principale pour laquelle on doit s’y opposer, mais c’est pour dans la foulée en exiger une sortie progressive s’étalant sur 10 ou 25 ans. Si on peut attendre aussi longtemps pour l’arrêter alors c’est qu’il ne doit pas être si dangereux que cela !
Mais tout cela est bien connu et a déjà été abondamment documenté et souvent répété à cors et à cris…

 

JLP

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