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Décroissance Ile de France
24 novembre 2021

Du coup Lille, 2014 – 2019 :

Insultes, rumeurs et calomnies consécutives aux débats sur la PMA
Post-scriptum à mon passage en milieu ridicule

d'après TOMJO, pour le texte complet : ///Users/jlp/Downloads/Tomjo-Du%20coup-1.pdf

 

 

"La lutte contre les dominations et les discriminations est donc l’ultime déchet du réformisme. Il
réclame l'accès de tous et toutes aux postes de pouvoir et aux marchandises, même les plus
aliénantes. Ce féminisme de « marcheuse » n’invite pas les femmes ou les homos à changer la
société, mais à y réussir. Reddition contre laquelle, à une autre époque, l'écoféministe Françoise
d'Eaubonne, fondatrice du MLF et du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR), aurait
répondu : « Nous n'allons pas intégrer la société, nous allons la désintégrer !"

 


Lille, octobre 2019


1« Le Parti n'a jamais tort, dit Roubachov. Toi et moi, nous pouvons nous tromper. Mais pas le Parti. Le Parti,
camarade, est quelque chose de plus grand que toi et moi, et que mille autres comme toi et moi. Le Parti, c'est
l'incarnation de l'idée révolutionnaire dans l'Histoire. L'Histoire ne connaît ni scrupules ni hésitations. Inerte et
infaillible, elle coule vers son but. A chaque courbe de son cours, elle dépose la boue qu'elle charrie et les
cadavres des noyés. L'Histoire connaît son chemin. Elle ne commet pas d'erreurs. Quiconque n'a pas une foi
absolue dans l'Histoire n'a pas sa place dans les rangs du Parti. »


Arthur Koestler, Le zéro et l'infini, 1940.


Mises bout à bout, les petitesses des individus révèlent un milieu, ses fins et ses moyens.
Voici quelques épisodes de mon passage dans ce qui s’auto-désigne noblement comme le « milieu
radical ». S'il s'agit bien d'un « milieu », par sa structure lâche et ses juges officieux, il fonctionne
néanmoins comme un parti – supposément « libertaire », mais un parti quand même. S'il se prétend
« radical », c'est pour son verbe haut, son esthétique et ses postures détèr, son goût du coup de
poing. Rarement pour ses idées. Le terme qui convient est donc « extrémiste ». Quant aux idées,
disons « libérales-libertaires ». Les insultes et menaces que l’on m’a adressées depuis le débat sur
l'ouverture de la PMA aux lesbiennes et aux femmes seules à partir de 2014 en constituent une
illustration.
Si je publie ce témoignage aujourd’hui, c’est en raison du calendrier. Il me plaît de rappeler aux
« radicaux » que la PMA est sur le point d'être votée par une assemblée « République En Marche »,
sur proposition d'Emmanuel Macron, le même qui a éborgné gilets jaunes et K-ways noirs tous les
samedis de l’année écoulée. Ce retour de la PMA dans l'espace public me valant une nouvelle salve
d'insultes et de calomnies depuis cet été, des tags « Tomjo gros mascu », une BD sur le net, une
interdiction de participer à une conférence.
Ce témoignage, chacun l'entendra à sa guise, mais les pires sourds, désormais, ne pourront faire
comme si je n’avais rien dit, ni porté les faits à la connaissance de tout un chacun.
Quand on arrive en ville...
J'entre en milieu radical lillois en 2006, au moment du CPE. J'arrive d'Amiens, un peu seul dans
cette grande ville et mes questions. Je souffre, confusément, de cirer les bancs de l'Université. Ils
m'envoient droit vers un bon diplôme, un bon travail, une bonne voiture, un bon ménage, une bonne
réussite sociale attestée par l'achat de breloques ; bref, vers un ennui profond – qui de surcroît
précipite la date de péremption de l'Humanité par les marchandises qui le compensent. Les années
90 m'avaient emporté de leur ambiance punk fin-de-siècle, plus énervées par l'absence de
perspectives et le refus de parvenir que par la gagne. Nirvana, Pixies, Thiéfaine, Mano Solo en
furent la bande sonore, Fight Club, Trainspoting, The Big Lebowski, American Beauty la mise en
images. Au milieu des assemblées et des blocages de cette année 2006, je rencontre une bande de
cyclistes qui s'amusent, de nuit, à détourner ou détruire des panneaux publicitaires. Leur truc
m'enthousiasme tout de suite : il existe sur cette Terre des gens qui sortent des rails du bonheur que
me traçaient jusque-là famille, école, publicités et politiciens. Je trouve des gens et des mots avec
lesquels formuler mes questions, à défaut de toujours y répondre. J'adhère à une association de
jeunes écolos, libertaires sur les bords, qui refusent et critiquent plus généralement le nihilisme de la
société industrielle. C'est le moment de mes premières manifs antinucléaires en Allemagne, des
manifs anti-OGM en Lozère, et des camps d'été entre écolos chevelus. On est entre 2006 et 2010.
Cette effervescence me libère la parole. Je soigne ma dépression par l'expression, du moins par
écrit. Je propose des articles à La Brique, un jeune journal de critique sociale, puis à d'autres comme
CQFD, la revue Z, etc. Je découvre mes premiers squats, où s'invente une vie la plus éloignée
possible de l'usine ou du bureau, « section squat-tout nik-tout » puisqu'il n'y a rien à garder de ce
monde. Je navigue quelques années entre écolos rigolos et anarchistes en rupture. J'avale le
catalogue des éditions de l'Encyclopédie des nuisances, des situationnistes devenus anti-industriels ;
c'est avec leurs écrits que je me trouve le mieux accompagné. Des anars, je regrette parfois
l’inconséquence sur cette nouvelle donne qu'est le désastre écologique (nouvelle par rapport à la
3guerre d'Espagne). Des écolos, je regrette le « citoyennisme », l’aliénation au Parti de l’État et à ses
solutions (énergies renouvelables, transports « doux », rationalisation informatique de la société). Je
rencontre les Grenoblois de Pièces et main d’œuvre qui publient mon enquête, L'Enfer vert, un
projet pavé de bonnes intentions, sur leur site et dans leur collection Négatif, à L’Échappée (2013).


Une critique de cet écologisme qui m'exaspère à Lille.


Chemin faisant, et pour entrer dans le vif du sujet, j'accompagne le signataire d'un livre critique
de la technologie PMA dans une tournée de librairies. Il s'agit de La Reproduction artificielle de
l'humain d'Alexis Escudero, co-écrite avec Pièces et main d’œuvre, également publiée sur le site de
PMO, puis aux éditions du Monde à l'envers. J'organise une présentation du livre dans une librairie
que je squatte et habite. Il ne m'a pas échappé que la France est secouée depuis deux ans par le
mariage et la Manif pour tous. J'enrage qu'aucun débat n'existe autour des technologies de
reproduction. S'il y a des méchants, les gentils doivent faire front. Quand le bouquin débarque sur
les étals, il rappelle aux militants contre la marchandisation du monde, à ceux qui manifestaient
contre les OGM dix ans plus tôt, que la PMA est une technique de sélection, de marchandisation et
d’augmentation génétique de l'espèce humaine. Les industriels de la génétique sont en passe de faire
avec les humains ce qu'ils ont fait avec le soja et les vaches Holstein. Aucune considération sur qui
peut baiser avec qui, ni qui peut se marier avec qui. Et pour cause : on s'en fout, tant que les gens
prennent du plaisir...


Page 1 du livre : « Même si tous les marcheurs [de la Manif pour tous] ne sont pas homophobes,
nombre de ceux qui protestent contre le mariage, l’adoption homosexuelle, la PMA ou la GPA
défilent en fait contre l’homosexualité. » Nous n'en sommes pas. Le procès en « homophobie », en
« réaction » et en « fascisme » qui m'est fait, ainsi qu'à l'auteur et aux éditeurs, pourrait s'arrêter là :


S'il fallait insister, et apparemment il le faut, lisons la page 2 : « L’insémination pratiquée à
domicile avec le sperme d’un proche n’est pas la PMA. La première n’exige qu’un pot de yaourt et
une seringue. Elle soulève essentiellement la question de l’accès aux origines pour l’enfant : lui dire
qui est son père ? La PMA en revanche, pratiquée en laboratoire, soumet les couples à l’expertise
médicale, transforme la procréation en marchandise, place les embryons sous la coupe du biologiste
et entraîne leur sélection : l’eugénisme. C’est la PMA que réclame la gauche et la mouvance
LGBT. » Le livre est une attaque de la PMA, non du pot de yaourt utilisé par certaines lesbiennes.
Le procès en « homophobie » pourrait se conclure ici


Page 3, ce slogan en guise de revendication, enfonce le clou : « Ni pour les homos, ni pour les
hétéros : la PMA pour personne ! »


Ce n'est pas compliqué à comprendre. Encore faut-il lire trois pages.
Le livre ne s'en prend jamais au féminisme. Pas une fois. Comme chacun le sait et le rappelle, les
mouvements féministes et homosexuels sont divers. Certains sont de droite, d'autres libéraux, de
gauche, d'extrême gauche, écolos ou libertaires. C'est comme dans la vie. Or, le livre s'en prend
exclusivement aux défenseurs de la PMA qui viennent majoritairement des féminismes dits de la
« troisième vague », queer, cyborg et ultra-libéraux. Le problème est qu'ils noyautent, probablement
sur un malentendu, le dit « milieu radical » où j'évolue nez au vent.
Le mauvais procès en « antiféminisme » aurait pu s'arrêter là. Il s'est pourtant acharné contre moi
et mes proches. Parfois violemment, souvent comme une rumeur, presque toujours sous couvert de
l’anonymat. En voici un compte rendu approximatif.


 octobre 2014 – Course au point Godwin


Au début de l’affaire, j'habite depuis un an dans un squat-librairie, L'Insoumise. Dans cette vieille
bâtisse de briques du quartier Moulins, nous nous proposons d’animer un squat ouvert à la diversité
des gens et des opinions, le plus populaire et mixte possible. On avait déjà organisé des dizaines de
discussions et de projections, un bal du 1er mai, et accueilli des dizaines de collectifs, des fraudeurs,
des intermittents, des Kurdes, des cantines, etc. Un espace de vie, quoi, malgré le risque d'être
réveillés un matin par les dingues du GIGN.
Quelques jours avant le débat sur la PMA, la librairie est qualifiée d'« Insoumisogyne » (c'est un
jeu de mots) dans un communiqué anonyme publié, et accepté, par les administrateurs du site de
publication coopératif Indymedia Lille, le repaire numérique des anars à l'époque. C'est un site
anonyme qui permet toute discrétion vis-à-vis des flics, je ne connais pas l'identité de ses
administrateurs, et ne pourrai jamais discuter in real life de ce qui s'y déverse contre mes amis et
moi. Cette librairie dans laquelle j'organise la rencontre avec Escudero serait complice de la
« lesbophobie, l'homophobie et la transphobie » de l'auteur. Sur quoi nous serions toutes et tous des
« anarchopresseurs » (nouveau jeu de mots) ne valant pas mieux que des « fascistes ». Je vous ai
annoncé du verbe haut... Cette première interpellation a la délicatesse d'une bouse explosive sur le
crâne d'un nouveau-né.
Le fascisme est, comme on sait, un mouvement politique italien totalitaire, nationaliste, partisan
d'un État fort et d'une économie planifiée. À mesure qu'il conquiert l’Éthiopie (1935) et se
rapproche du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), il autorise les
publications racistes et antisémites, et finit par adopter en 1938 plusieurs lois raciales dont un
Manifeste de la race. Parmi les scientifiques signataires et les principales influences intellectuelles
de ce Manifeste antisémite, l'endocrinologue eugéniste Nicola Pende défend une politique nataliste
et « l'amélioration raisonnée de l'homme », après celle des semences agricoles.
Note aux « antifascistes » d'Indymedia : nos arguments contre le transhumanisme et la PMA sont
donc eux aussi, par définition et en tous points, antifascistes. Mais je vous laisse la jouissance du
Point Godwin, aussi appelé « Reductio ad hitlerum ».


Début octobre 2014 – L'exclusion comme mode de régulation des conflits


Quelques jours avant le débat, et malgré les premières douceurs proférées par voie numérique, je
me rends à une soirée karaoké organisée par le centre LGBT dans le cadre d'un festival féministe,
avec ateliers sur les « conforts affectifs » et séances de taïchi. C'est l'occasion d'inviter quelques
amis, pardon quelques ami-e-s, et de discuter de la PMA. Je n'en aurai pas le temps. Je me fais virer
au seuil du lieu par Marie-Cécile, la commissaire politique1. D'après cette sociologue du genre
diplômée de sciences-po, ce n'est pas le moment de critiquer la PMA alors qu'il y a tant d'agressions
homophobes. Le « contexte » ne se prête pas à la critique. Au pire cela fait de moi un piètre stratège,
mais pas un homophobe. Je suis tout de même exclu pour Défaut d'appréciation des conditions
historiques – c'est ainsi que je l'entends. Je me souviens d’avoir rétorqué à ladite commissaire qu'un
jour ou l'autre la PMA serait légalisée ; que ce n'est pas la Manif pour tous qui fait l'histoire mais la
Silicon Valley. C'est un raccourci, hein, mais j'avais raison. Après que François Hollande a lancé
l'idée (celui de la loi Travail), le plus technocrate et libéral des présidents de la Ve République est en
passe de légaliser la PMA. J'en parlerai à la contextologue au prochain atelier « conforts affectifs »,
après ses heures de chercheuse en « épistémologie féministe du point de vue sur les théories
politiques ».

Notes :
1 Prénoms changés. N’oublions pas que ces rebelles sont traqués par la milice et la Gestapo. Je ne garderai donc que
les signatures publiques

27 octobre 2014 – La bêtise militante fait obstruction


Le grand soir est arrivé. Quelques copains de L'Insoumise commencent à grincer des dents sous
la pression des calomniateurs anonymes, et probablement de leurs potes. À mon arrivée, un groupe
complote au coin de la rue. Je les vois de loin en train de peaufiner leur intervention – qui parle ?,
qui distribue le tract ?, combien de temps on reste dans la salle ? Ils ont l'air grave des jours
« d'action », appesanti par l'idée qu'ils se font de leur intervention, proche de l'affaire d’État. J'ai
bien compris ce qui allait se dérouler et j'ai envie de me marrer devant le ridicule de la situation. Ils
sont une petite dizaine, militantes et militants du Centre culturel libertaire (CCL) et du centre
LGBT. Certains sont encore des copains même si mes liens avec le CCL sont depuis quelques temps
distendus. Le CCL abrite depuis 1987 une bibliothèque, une salle de concerts, et une salle de
réunion pour les associations. Des punks, des anars, des végans, des féministes... J'y suis donc passé
souvent, mais j'en avais ras la capuche de leurs airs constipés, peine-à-jouir et flagellant, de leur
liste de comportements et de mots interdits longue comme le bras (sexistes, racistes, homophobes,
validistes, transphobes, spécistes, etc) ; bref : comme disent les pompeux, de leur orthopraxie de
curés. Un an plus tôt, avec La Brique, nous avions programmé le concert d'un groupe potache, The
Gendarme, qui mettait en scène des femmes potiches, des policiers beaufs et des tonfas détournés
de leur usage normal (inutile de faire un dessin, vous connaissez l'affaire Théo). Ce troisième degré
n'était pas du goût des commissaires artistiques (alias gardiens du bon goût) qui ne voyaient là que
des propos « sexistes et homophobes » et le renforcement des « assignations sociales ». Il aurait fallu
leur expliquer le rôle de la caricature et du théâtre, mais ça aurait pris des plombes, genre réunion
hyper tendue avec tours de parole à double liste genrée et étalage de « ressentis » : « Moi, tu vois, je
trouve ça vachement violent ce que tu dis... » On a préféré annuler le concert.
Au début de l'intervention d'Escudero, le groupe de citoyens vigilants se pose devant l'auditoire
et lit son tract avant d'inviter les gens à quitter la salle. Sans rencontrer un grand succès. À les
croire, l'auteur de La Reproduction artificielle de l'humain n'aurait pas droit à la parole ni même de
« produire une critique des technologies de reproduction », étant supposé qu'il est « homme blanc
cis hétéro universitaire ». Avant d'écrire, celui-ci aurait dû faire son autocritique à la stalinienne en
« interroge[ant] les privilèges dont il bénéficie ». Les cathos diraient : confesser ses péchés, faire
œuvre de pénitence et de contrition.


Les auteurs du tract ne critiquent pas le livre qu'ils n'ont semble-t-il pas lu, ni à l'époque, ni
depuis. Ils sont pourtant bien éduqués. Je reconnais un historien des sciences de l’École des Hautes
Études en Sciences Sociales, un informaticien, plusieurs sociologues, mais seule l'identité de
l’auteur leur suffit. Il ne serait permis de parler de la PMA-GPA qu'après – prenez une longue
inspiration – la « critique des privilèges blancs, masculins, cisgenre, hétérosexuels, valides,
bourgeois, âgiste et d'autres qu'on oublie sûrement à cause de nos propres privilèges ». Le langage
alambiqué des radicaux de labos nomme cela « démarche intersectionnelle », soit le « croisement »
de différentes « oppressions » et « privilèges » identitaires jusque là rangés en silos. Cette façon de
voir le réel vient des campus américains, c’est vous dire si c’est chic et radical. Plus exactement,
c'est la juriste noire américaine Kimberlé Crenshaw, prof à Columbia, qui inventa le terme en 1989
après sa thèse de droit à Harvard. Le terme a quitté les campus pour se retrouver chez les candidats
démocrates Hillary Clinton et, dans une moindre mesure, Bernie Sanders, lors des primaires en
20162. Notre « milieu » a donc ceci de « radical » qu'il a au moins deux ans d'avance sur le Parti
démocrate.
Selon les sociologues postmodernes, la valeur d'un message se mesure à l’aune de son émetteur
(ici, son profil, son « identité »). Rien ne sert d'apprendre à lire, à comprendre, distinguer, comparer,
hiérarchiser les idées. Rien ne sert de faire preuve d'intelligence, ainsi que l'avoue le post-scriptum
du tract : « ce texte est perfectible mais nous considérons que nous avons passé déjà suffisamment

Note :
2 The Atlantic, 9 mars 2016.

la Manif pour tous. Aujourd'hui encore, la seule lecture de Vidal suffit à bien des rédacteurs pour
qualifier la critique de la PMA d'« homophobe », comme vient de le faire le site d'information
écologiste Reporterre6.


J'accepte néanmoins cette soirée à L'Insoumise dont le rôle est justement de faire en sorte que des
gens se rencontrent, discutent, s'accordent, ou non. La salle est pleine comme un œuf, les auteurs du
premier tract sont présents, la mine renfrognée comme il se doit. J'en garde le souvenir d'un de ces
« débats » typiques du milieu où il s'agit de parler avec le moins de conviction possible de crainte
d'apparaître comme autoritaire. J’ai surtout la mémoire de Jean-Benoît, cis-hétéro-blanc à lunettes,
diplômé de Sciences-po, thésard en sociologie du masculinisme et aussi « libertaire » que son centre
culturel, me reprochant de parler à la place des incontournables « premiers concernés ». Comme si
la PMA n'engageait pas l'ensemble de l'humanité à venir, sa marchandisation dès son stade
embryonnaire, son organisation génético-sociale. Faut-il encore leur lire Le Meilleur des mondes et
leur projeter Bienvenue à Gattaca ?


Je ne parle pourtant jamais qu'en mon nom, j'organise cette soirée pour que des gens comme lui
puissent s'exprimer, quand bien même ils n'ont rien d’autre à me dire que « tais-toi ! ». Étonnants
libertaires, qui, pour la troisième fois, interviennent pour interdire la discussion.
À Lyon, lors d'un salon d'éditions libertaires, d'autres iront jusqu'à bousculer, interdire un débat et
la vente du livre. Le 22 novembre 2014, des militants anarchistes agressent le stand du Monde à
l'envers, dénonçant son « idéologie nauséabonde » (comme on le dit des nostalgiques du Troisième
Reich). Un mois plus tard, une tribune « Contre la censure et l’intimidation dans les espaces
d’expression libertaire7 » dénonce ces « comportements autoritaires empruntés à la pire tradition
stalinienne ». Tribune que je signe. L'historienne anarchiste Anne Steiner, à l'initiative du texte,
explique comment l'hystérie collective se nourrit de « comptes-rendus de comptes-rendus de
comptes-rendus.8 » De glissements en pentes glissantes, d'idées voisines en récupérations, voilà la
recette de la rumeur : PMO, Ecudero, La Décroissance, la Manif pour tous, tous seraient des
« défenseurs de la famille traditionnelle9 ». À la sortie du salon lyonnais, un témoin entend les
censeurs s'avouer que « Ça serait quand même bien de pouvoir lui répondre sur le fond. » Ça serait
bien, oui, mais leur forme trahit l’absence de fond, leur vacuité bruyante, alors n’en parlons-plus.
Cet été 2019, le journal La Décroissance a publié un dossier sur « la grande confusion »
alimentée par les mouvements libéraux et postmodernes entre Enfant/Adulte, Humain/Animal,
Masculin/Féminin, Humain/Machine, etc. Le dossier est discutable, c'est-à-dire qu'il ne demande
qu’à être discuté. Aude Vidal, elle, publie aujourd'hui un livre chez Syllepse, une maison d'édition
crypto-trotskyste, contre les « dérives libérales » des « nouveaux féminismes radicaux » (queer,
décoloniaux, non-binaires, etc)10, elle n'en défend pas moins ses représentants les plus extrémistes
quand ils appellent à brûler La Décroissance et à « perturber [leurs] conférences11 ». C’est-à-dire
qu’elle dénonce tour à tour ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dénonce, au gré de ses manœuvres
tortueuses pour publier à tout prix. A-t-elle oublié les pages « Débat » du mensuel écologiste dans
lesquelles elle a pourtant donné par deux fois son point de vue en 2012 et 2018 ? Depuis 2014, cette
« technocritique » se trouve toujours du côté des calomniateurs, des partisans de l'autodafé et des
ultras du cyber-féminisme quand bien même elle s'en défendrait dans son prochain bouquin. Bon, il
ne faudrait pas non plus se tordre les méninges à expliquer un mystère d’une banale banalitude.

note :
6 « La PMA, un débat toujours en gestation chez les écolos », Reporterre, 24 sept. 2019.7 Millebabords.org, 23 décembre 2014.8 http://www.millebabords.org/spip.php?article272319 « Pour une critique... », op. cit.10 La Conjuration des ego, Syllepse, 2019.11 « La Décroissance, ce journal que nous n'achèterons pas », Rebellyon, 27/7/19. Voir le compte Twitter d'Aude Vidal.

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Commentaires
A
Très très bon !!! Même si on parle là de fascisme ... :/<br /> <br /> <br /> <br /> Bien trouvé le :<br /> <br /> . "leur orthopraxie de curés"<br /> <br /> <br /> <br /> et puis surtout :<br /> <br /> . "le pot de yaourt" !<br /> <br /> <br /> <br /> "Le livre est une attaque de la PMA, non du pot de yaourt utilisé par certaines lesbiennes."<br /> <br /> <br /> <br /> Merci :)
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