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Décroissance Ile de France
10 avril 2020

Décès de Michel Tibon Cornillot du Covid 19, un des principaux inspirateurs du courant anti-industriel en France.

 

 
Témoignage de Thierry Sallantin, un des élèves de Michel Tibon Cornillot à l'E.H.E.S.S. ,  suite à son décès ce 28 mars du Covid-19, à 83 ans.
Il était né en 1937.
Il enseignait encore au 105 bd Raspail 75006, salle 10
les 1er, 3e et 5e vendredis du mois depuis le 22 novembre, et avait prévu sa dernière séance le 5 juin 2020 !
Détails dans le descriptif de son séminaire dans le livre des programmes 2019-2020 de l'EHESS, pages 256-257, rubrique = philosophie des techniques...
Mais le COVID 19 a été plus vite !
Ci-dessous, je montre qu'il a été à l'origine de nombre d'initiatives prises par ses élèves ou anciens élèves.
Personnellement, je faisais partie du "Groupe Oblomoff", qui se réunissait au CNRS, 59-61 rue Pouchet, métro Brochant...
Pour la triste nouvelle de son décès , c'est le militant anti-nucléaire, auteur récemment de "Le bluff du nucléaire, le prétexte du climat (éditions "Libre et Solidaire", premier trimestre 2020), Jean-Luc Pasquinet, qui m'a prévenu. Lui-même a été informé par un coup de téléphone de sa compagne : Marie-Laure Godefroy.
Michel Tibon Cornillot et moi, on devait être ensemble ce mardi 31 mars à une réunion au CNRS, au centre Koyré 27 rue Damesme, dans le cadre du séminaire animé entre autre par Christophe Bonneuil, près de métro Tolbiac, réunion sur les antibiotiques qui sont de moins en moins efficaces  : les micro organismes se protégeant par des mutations pour faire naître des souches résistantes, qui se moquent bien des antibiotiques !
Michel Tibon Cornillot, en plus d'être un philosophe, avait travaillé dans la recherche à l'Institut Pasteur, une double compétence qui transparaît  d'une part dans son livre paru en 2006 chez Max Milo : "La fin des antibiotiques", co-écrit avec André Andremont; et d'autre part dans le thème du séminaire 2019-2020 à l'EHESS, qu'il avait intitulé : "Destin de l'embryon occidental : clonage et cellules-souches".
 

A chaque manifestation contre la casse des retraites voulue par Emmanuel Macron sur l'ordre des milliardaires, entre autre la firme financière Black-Rock,  mon plaisir était de marcher avec ce chercheur intrépide, à la conversation toujours passionnante, et très pointu pour commenter l'actualité.

Et courageux = à son âge, il prenait des risques en allant à des manifs de plus en plus férocement réprimées sur ordre du gouvernement Macron !
De plus, les cours de Michel Tibon Cornillot à l'EHESS  sont depuis des années à l'origine de plusieurs organisations écolos radicales lancées par des jeunes en thèse à l'Université, ou toute sorte d'activistes, dont le charpentier Bertrand Louart, depuis coordinateur de travaux à la communauté de Longo-Maï vers Forcalquier et rédacteur en chef de "Notes et morceaux choisis, bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle".
Plusieurs de ces diplômés, thèse de doctorat en poche, révoltés contre la société industrielle, et donc bien plus subversifs que les jeunes braillards classiquement et seulement "anti-capitalistes" se sont installés en communauté à la campagne dans le Tarn, vers Vaour, comme Aurélien Berlan, le fils de l'ingénieur agronome écœuré par son employeur : l'INRA : Jean-Pierre Berlan : auteur en 2001 de "La guerre au vivant" (ed. Agone) = pour dénoncer les O.G.M., et en 2019, de "La planète des clones : les agronomes contre l'agriculture paysanne" (ed. La Lenteur),  Célia Izoard, qui traduit de l'anglais les livres anti-industriels des éditions "L'Echappée", Matthieu Amiech et Julien  Mattern, qui ont fait choc avec leur livre = "Le cauchemard de Don Quichotte : sur l'impuissance de la jeunesse d'aujourd'hui",.... En 2005, quand je vivais en Allemagne, Serge Latouche me dira que le livre le plus important de cette année-là, paru en France, était celui de Amiech et Mattern...
Ils vont lancer les éditions de la Lenteur...qui continue à publier que les livres les plus subversifs afin de dénoncer cette prétendue "modernité", qui pour moi et James C. Scott (homo domesticus, ed. La Découverte 2019), remonte au moins aux premières folies des grandeurs, aux premières sociétés s'enfonçant dans une démesure suicidaire, avec les premières cités-état, il y a environ 6000 ans, du côté du Moyen-Orient, au prix de cruelles inégalités avec l'apparition de sociétés pyramidales, du jamais vu depuis les 300 000 ans d'existence d'Homo-Sapiens, aspect souligné aussi par le médecin-pédiatre André Bourguignon dans "Histoire naturelle de l'homme", deux tomes, PUF, 1989, et par l'ancien inspecteur de l’Éducation nationale Jean-Pierre Lepri, devenu un opposant radical à la scolarisation et le fondateur en 2007 du CREA ("apprendre la vie") voir son site : education-authentique.org, et les livres des éditions "Myriadis": www.myriadis.fr ! .
Cette hérésie aux conséquences épouvantables dont nous sommes hélas les héritiers directes a été analysée par l'ethnologue et philosophe Pierre Clastres, spécialiste du profond mystère du basculement en certains endroits du monde des sociétés normales, sans états, vers les sociétés anormales qui voient soudain naître en elle-même la division, l'apparition ahurissante de chefs qui ne sont plus de simples porte-parole, obligés de travailler plus que les autres. Dans une société-à-état, le sens de la dette change: tout à coup, c'est le chef, qui, d'endetté, devient l'endetteur : il exige de ses sujets de travailler pour lui, il les endette vis-à-vis de lui-même...C'est ce qui conduira au règne des Princes, avec les cités-états, jamais assez grandes pour ces personnages délirants épris d'une soif inextinguible de richesse et de puissance, à ce jour jamais interrompue, comme on peut le voir actuellement avec les rêves fous de Bolsonaro, Trump et Xi Jinping, la Chine de l' "Empire du Milieu" disposant enfin des moyens techniques (les derniers cris de l'électronique ) pour prendre sa revanche sur l' Occident et devenir l'Empire Total désormais possible grâce à la dictature des algorithmes et la soif consuméristes des populations crétinisées ethnocidées, et converties au culte du prétendu bonheur par la modernité, et donc se vautrer dans la société de consommation, celle où sous je joug de la publicité, toute personne victime de ce bourrage de crâne pense que son destin est d'intégrer, ou de rêver intégrer, la "société de consommation", donc de s'installer en ville, puisque "consommer", c'est être "sommé d'être... con" (!), aspect inconscient pour les derniers arrivés au "banquet de la consommation", ces derniers étant les plus gravement atteints par le syndrome mimétique, le tropisme de l'enrichissement et de l'occidentalisation dénoncé jadis par Franz Fanon dans "Peau noir, masques blancs" en 1952. Cet auteur disait "vomir à pleine gorge les valeurs occidentales " (Engelhard, 1996, page 257), et nommait dans "Les damnés de la terre" (1961) "éreintement du colonisé" ce que George Condominas puis surtout Robert Jaulin en août 1968 au Congrès des Américanistes à Stuttgart nommeront "Ethnocide", concept lumineusement expliqué par Pierre Clastres dans un fameux article de la revue "L'Homme", tome 14, n° 3-4, pages 101-110, puis repris in "Recherches d'anthropologie politique" (Seuil 2012, récemment réédité).
Le basculement dans l'horreur, bien repéré par le déconstructeur de la notion de "développement" Ivan Illich dès les années 1960 vient d'être confirmé par  le philosophe et urbaniste Thierry Paquot dans "Mesure et démesure des villes" (CNRS 2020)...
Sur Paris, ces jeunes doctorants vont lancer  à l'automne 2009 le groupe "Oblomoff" = éloge de la paresse, de la vie lente et tranquille, pleine d'opportunités pour l'épanouissement sensuel, et  la critique radicale de la vie moderne, jetant les bases du véritable progrès dont la recette semble être perdue par les "modernes" depuis des milliers d'années, puisque nous nous enfonçons depuis ces premières cités-états dans le contraire de l'amélioration de la vie humaine, donc hélas dans le régrès, dans la "civis", donc la "civilisation" (Mirabeau, 1756), alors qu'il aurait fallu rester sagement dans son contraire: la "sylvilisation" !. Nouvelle preuve avec le climatologue James Hansen qui démontre que la continuation de la modernité pourrait aboutir au retour au stade de la vie telle qu'elle était il y a 500 millions d'années, donc au Précambrien, du seul fait de la continuation suicidaire des sociétés industrielles et de l'accélération concomitante des émissions de gaz à effet de serre. (note 123 page 279 de "Comment tout peut s'effondrer", Servigne et Stevens, Seuil, 2015).
Tout ceci ,  comme l'a rappelé récemment  dans un de ses textes, PMO (Pièces et main d’œuvre: les anti-industriels de Grenoble dont on lira à propos du Covid 19 : "Leur virus, nos morts" ), Baudelaire en avait eu l'intuition en 1855, en étant le premier à écrire le mot = "américanisé", pour stigmatiser la "mode du moderne" à propos de l'Exposition universelle, ce qu'il confirmera dans Le Journal des Goncourt du 16 janvier 1867 page 317 : "La mécanique nous aura tellement américanisé, le progrès si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle [...]"
Bien-sûr, les écrits signés "groupe Oblomoff" sont édités à "la Lenteur", comme "Le monde en pièces: pour une critique de la gestion, tome 1 : quantifier" (2012), tome 2: "L'informatisation" ; tome 3 : "La certification"... textes établis à la suite des séminaires du 59-61 rue Pouchet...
Plus récemment, des membres du "groupe Oblomoff " ont créé le collectif "Ecran Total": plateforme contre la déshumanisation du travail par le management, la bureaucratie et l'informatique, dont on pourra suivre les initiatives et lire leurs derniers textes en allant à la librairie Michèle Firk, "La Parole Errante", rue Deberghe, métro Croix de Chavaud à Montreuil, ou en écrivant à "Faut pas pucer...mémère dans les ordis" : Le Batz, 81 140, St Michel de Vax. D'autres héritiers et héritières de Michel Tibon Cornillot ont lancé en 2018 à Lyon le groupe des "Décablés", dans l'esprit du livre d'Hervé Krief: "Internet ou le retour à la bougie" (éditions Quartz), et  le mensuel "La Décroissance" d'avril 2020 page 9 relate la parution de leur livre aux éditions "la Lenteur" : "Contre l'alternumérisme  Pourquoi nous ne vous proposerons pas d' "écogestes numériques" ni de solutions pour penser une "démocratie numérique", une fougueuse charge contre les réformistes et les "anticapitalistes" (!) indécrottablement techno-naïfs, qui se contentent de croire qu'il suffirait de prendre la maîtrise d'internet par exemple grâce aux prétendus" logiciels libres", pour que soudain le monde du numérique devienne "écolo, cool et anarchiste" comme avait pu le croire le hippie Stewart Brand à la fin des années 1960 !. Comme si le "digital " tombait du ciel, miraculeusement tout fabriqué, prêt à l'usage, donc immatériel. Dramatique oubli des usines au désolant travail à la chaîne et des mines d'extraction de minerais souvent extrêmement difficiles à extraire sans de redoutables pollutions (lire Guillaume Pitron ! ), ce qu'a rappelé récemment Fabrice Flipo dans "The Conversation". Un oubli que même André Gorz fera à la fin de sa vie, avec une étonnante naïveté !
La radicalité et la lucidité des "Décablés" est présente aussi à Paris avec le bulletin ""D. connexion(s)" animé par Stanislas Marsil, groupe qui est cohérent avec lui-même  car il boycott internet et n'utilise que le courrier postal : D.Connexion(s), 9 rue Poussin, 75016 Paris...
On doit aussi à Michel Tibon Cornillot le journal "La Planète-Laboratoire", et  ses élèves ont lancé la revue "L'Inventaire", le n° 9 est de fin 2019 , revue en vente à la librairie Quilombo, 23 rue Voltaire, métro rue des Boulets, près de la place de la Nation, librairie la meilleure de Paris, avec tous les livres des éditions La Lenteur, et qui est aussi le siège des éditions "L’Échappée", avec par exemple (2013): "L'impact environnemental des nouvelles technologies": F. Flipo, M. Dobré, M. Michot...
Voir aussi dans le trimestriel "L'Ecologiste" (le n° 56 en kiosque depuis début avril 2020) les articles qu'y a publié Michel Tibon Cornillot :
dans le numéro 3 (2001) pages 17-18 et 67-69 ; dans le n° 10 (2003) page 58  et dans le n° 22 (2007) page 26.
On trouvera ici, à la fin de la copie de l'article que Hervé Kempf vient de consacrer à Michel Tibon Cornillot suite à son décès, sur son site : "reporterre", la référence de ses principaux articles, dont, bien-sûr, sa notion de "déferlement", essentielle pour comprendre la remarquable sagacité de ce philosophe qui n'a jamais cessé de se "mouiller" en allant voir dehors ce qui se passait, même en prenant des risques, y compris le risque de se faire mal voir par les sectaires de tout poils , estimant par exemple qu'il avait de mauvaises fréquentations ! Pour moi, il n'y avait là que salutaire curiosité, une infatigable volonté de savoir !
Je conclurais en disant que Michel Tibon Cornillot est un intellectuel qui a eu un rôle essentiel pour lancer les idées les plus corrosives pour ridiculiser le prétendu "progrès" !
Il restera connu pour son accusation du "déferlement des techniques".
Tieri Sallantin
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