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Décroissance Ile de France
4 avril 2023

Eau et nucléaire : en attendant le désert ?



L’eau est avec l’air l’élément le plus important pour la vie. Elle est présente de façon très importante, à la fois sur Terre et dans notre corps. Plus de 72 % de la surface de la Terre en est recouverte et notre corps en est composé à 60 %. Or, en cas de contamination radioactive les radionucléides se retrouvent inéluctablement dans l’eau.


En ce qui concerne l’eau potable, nous recevons tous les ans avec la facture, un bilan de l’analyse de l’eau du robinet que nous consommons. En général on y trouve 5 ou 6 paramètres : le PH, la teneur en nitrate, la dureté, les bactéries, les pesticides et parfois l’aluminium. Cependant, on ne trouve jamais aucune information concernant la contamination radioactive.  
Pourtant l’arrêté du 11 janvier 2007 impose le contrôle sanitaire de la qualité radiologique des eaux destinées à la consommation humaine (valeurs guide et valeurs de référence de qualité). Nous allons voir dans les lignes suivantes que la situation est grave.


Le contrôle de la radioactivité de l’eau du robinet en France :


Le contrôle de la radioactivité de l’eau est récent, ce qui est étrange dans un pays aussi nucléarisé que la France. Le code de la santé publique (CSP) et les textes pris pour application, transposant la directive européenne 98/83/CE, fixent les modalités du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Les contrôles ne sont effectifs en France que depuis 2005. Ils sont mis en œuvre par les Agences Régionales de Santé (ARS), portent sur l’ensemble des 25 546 unités de distribution (UDI) en France ; leur fréquence est variable selon les volumes d’eau journaliers distribués et la taille de la population desservie.
Trois paramètres radiologiques doivent être mesurés : l’activité Alpha globale, Beta globale et l’activité du tritium. L’arrêté ministériel du 11 juin 2007 fixe 4 indicateurs de la qualité radiologique des eaux du robinet ainsi que des valeurs guides et des références de qualité :


Indicateur (d’après l’ASN)

Références de Qualité

Limite sanitaire max. autorisée

Activité Alpha globale

0,1 Bq/L

 

Activité Beta globale résiduelle

1 Bq/L

 

Activité du tritium

100 Bq/L

10 000 Bq/L

Dose totale indicative

0,1 mSv/an

 

Le tritium est un indicateur de radioactivité issue d’activités anthropiques. Sa concentration doit être inférieur à 100 Bq/L. (Les valeurs retenues dans le cadre du contrôle sanitaire de l’eau potable ne sont pas des limites (dont le dépassement impose des actions) mais de simples « références de qualité » au-delà desquelles les Autorités doivent seulement évaluer s’il y a risque et s’il est opportun d’agir. Au-delà de 100 Bq/L on vérifie s’il y a d’autres radionucléides autre que le tritium)


La Dose Totale Indicative (DTI) représente la dose efficace résultant de l’ingestion de radionucléides présents dans l’eau durant une année de consommation. Celle-ci devrait être inférieure à 0,1 mSv/an.


Seule l’eau du robinet est concernée, l’eau minérale et l’eau médicinale obéissent à des dérogations aux règles générales.


A cela il faut rajouter le Radon depuis 2015 qui ne peut plus être exclu du contrôle grâce à l’action de la CRIIRAD.


Retenons cependant :
(I) Les limites sanitaires fixées par l’OMS et prises en référence par la France sont fixées à des niveaux de risque plus de 100 fois supérieurs au maximum toléré pour les autres polluants cancérigènes, notamment chimiques.
L’OMS part d’un seuil tolérable de 1 cancer pour 100 000 personnes, or si on refait les calculs avec un critère de 100 microSv/an (voir ci-dessous) on arrive à un cancer pour 843 personnes.
(II) Les valeurs retenues dans le cadre du contrôle sanitaire de l’eau potable ne sont pas des LIMITES (dont le dépassement impose des actions) mais de simples REFERENCES de Qualité au-delà desquelles les autorités doivent seulement évaluer s’il y a risque et s’il est opportun d’agir.
(III) Les autorités concernées doivent mettre les résultats du contrôle de la radioactivité de l’eau à la disposition du public. Ils ne l’envoient pas dans le relevé annuel de contrôle mais renvoient au site internet du ministère de la santé.
Or, pour « plusieurs dizaines de millions de personnes les recherches s’avèrent particulièrement fastidieuses (…) pour plus de 2 millions de Parisiens…avec un temps d’affichage de 10 s par bulletin, il faut compter 15 mn pour traiter un seul mois, 3h pour récupérer la quinzaine de résultats annuels, 40h pour toute la période 2005-2019 pour les 4 secteurs ! (….) et des millions de personnes sont privées de résultats. (…) pour certaines unités de distribution nous avons pu établir que les analyses avaient été effectuées mais n’étaient pas publiées ; ailleurs il est possible que les contrôles n’aient même pas été effectués »
(IV) En ce qui concerne le tritium on trouve des erreurs de calculs nombreuses. Alors qu’il doit y avoir au moins 0,6 Bq/l dans l’eau de pluie et du tritium d’origine militaire pour moins de 1 Bq/l on arrondit des valeurs à 0, etc.
(V) En ce qui concerne les limites, les calculs de l’OMS sont faux :
D’après la CRIIRAD, l’OMS arrive à 100 microSv/an pour définir le seuil de 10 000 Bq/l alors que le résultat juste est de 132microSV/an. (+30 %)
Les nourrissons, plus sensibles, ne sont pas pris en compte, il s’agit de limites définies pour des adultes. A partir des critères de l’OMS les nourrissons seraient soumis à 304 microSv/an !
-(VI) Le radon : L’Europe a émis des recommandations en 2001
si > 100 Bq/l : à vérifier
si > 1 000 Bq/l : on devrait prendre des « mesures correctives justifiées », mais pas obligatoires.
Problème : il ne s’agit pas d’un seuil à partir duquel il faut faire quelque chose… En France on se contente juste de le mesurer depuis un Arrêté du 9 décembre 2015. Mais aucune limite n’est fixée. De plus on ne trouve pas encore de mesures de radon dans les bilans d’analyse de l’eau que doivent faire annuellement les entreprises distribuant l’eau, et tous les émetteurs béta ne s’y trouvent pas.


2) Les rejets de radioactivité comme le tritium par le nucléaire en France.


Depuis la Convention OSPAR sur l’eau, signée en 1995 par les pays du Nord de l’Europe (étendue à la Méditerranée) l’eau qui est un bien commun doit être protégée collectivement. Les rejets de produits cancérigènes sont interdits. Les opérateurs avaient jusqu’en 2020 pour les ramener à zéro. Puis on a repoussé en 2021 à 2050 l’engagement pris en 1998 à Sintra par 15 gouvernements européens. Les exploitants du nucléaire auraient dû réduire leurs rejets, or ils refusent car la situation actuelle ne leur coûte rien, et au contraire les rejets de tritium des centrales nucléaires ont augmenté sur les 15 dernières années d’un facteur 3, parallèlement à une baisse des autres éléments radioactifs rejetés.
Stop Golfech a publié les quantités des rejets annuels dans la Garonne de la centrale de Golfech, en 2002, 2003 et 2004. Pour les produits radioactifs, la centrale avait rejeté, en 2002, 125 920 m3 de liquides représentant, pour le tritium, une radioactivité de 1 897 ci (1 ci, curie = 37 milliards de Bq).
S’y ajoute aussi des rejets chimiques, principalement de bore servant au pilotage du réacteur ainsi que de produits de conditionnement utilisés pour éviter la corrosion des circuits primaire, secondaire et des produits de réfrigération des circuits auxiliaires (hydrazine, morpholine, ammoniaque, phosphate, etc.). Une seconde catégorie de rejets concerne des substances utilisées contre le tartre (sulfates, chlorures, etc.) Un réacteur déverse dans l’environnement chaque année environ 5 t d’acide borique, 1 t de phosphates, 3 t d’ammonium, etc.


Et nous n’avons pas abordé la question de l’eau et des normes en cas d’accident nucléaire !


3) Le nucléaire consomme 30 % de l’eau en France :


Le parc électronucléaire est le deuxième plus gros consommateur d’eau douce en France derrière l’agriculture (45 %) mais devant la consommation en eau potable et les autres usages industriels. Aujourd’hui, 30 % de l’eau en France, soit 26 milliards de mètres cubes d’eau sont nécessaires pour refroidir le parc actuel. Les quantités d’eau prélevées sont réalisées en fonction du type de circuit de refroidissement : circuit « ouvert » ou circuit dit « fermé »
Les centrales en circuit ouvert en utilisent davantage, mais la restituent presque à 100 %. « L’échauffement entre l’eau prélevée et l’eau rejetée est de l’ordre de 10 °C… »
La France compte 30 réacteurs dotés de circuit de refroidissement fermé et de tours aéroréfrigérantes. Ils prélèvent beaucoup moins d’eau que les autres, mais ne restituent pas la totalité. Environ 40 % de l’eau utilisée s’échappe sous forme de vapeur d’eau. Que se passera-t-il lors des prochaines périodes de sècheresse et de canicule ? Car même si l’eau captée en surface est rejetée in fine sous forme de vapeur, elle n’est plus disponible pour l’irrigation des terres agricoles.


4) Le nucléaire produit beaucoup de vapeur d’eau qui est le principal gaz à effet de serre :


D’après EDF, selon l’étude thermique du Rhône publiée en mai 2016, la contribution des centrales nucléaires à l’augmentation de la température du fleuve, entre l’amont et l’aval des sites nucléaires, est de 1,2°C en moyenne annuelle sur un total de 1,4°C constaté entre deux périodes historiques, 1920-1977 (en absence presque totale de réacteurs nucléaires refroidis par le Rhône) et 1988-2010 (en présence de la totalité des réacteurs nucléaires en service actuellement). Les centrales nucléaires sont responsables de 86% du réchauffement de l’eau du Rhône. Elles sont à l’évidence un élément aggravant du réchauffement climatique. Et elles émettent plus de chaleur, par kWh électrique produit, que n’importe quelle centrale à charbon ou à gaz en service actuellement en Europe.


5) Le nucléaire est vulnérable au changement climatique :


Avec le changement climatique, les rivières avec un débit plus faible se réchaufferont plus vite. Les seuils réglementaires de température en aval seront de ce fait atteints plus facilement. D’après Callendar un site spécialisé dans l’évaluation des risques climatiques et proposant un outil d’anticipation des risques avec une carte interactive précisant notamment les réglementations pour chaque site nucléaire, il suffirait d’un court épisode de canicule en fin d’été pour rendre indisponible 5GW de puisssance nucléaire, soit 8 % du parc. La revue Nature Energy a évalué entre 0,8 et 1,4 % la perte annuelle mondiale sur la production nucléaire d’ici quarante ans, et de 1,4 à 2,4 % au niveau mondial à la fin du siècle, du fait du changement climatique.


6) La question de l’eau devient centrale en France ce qu’elle n’a jamais été : Les bassines, la pollution de l’eau, la sècheresse….


Au pollutions « légales » déjà évoquées ci-dessus s’ajoute l’émission accidentelle ou diffuse de produits radioactifs par divers sites nucléaires :
Emission accidentelle de plutonium dans la Loire par la centrale de St-Laurent-des-Eaux, en 1980, la rupture, en 2004, de la digue d’un bassin de décantation de l’usine de Malvesi, répandant dans les champs une eau chargée en nitrates, en uranium et en métaux… Des nappes phréatiques, des étangs, des petits cours d’eau, des canaux ont été ou sont pollués en radioéléments par les sites nucléaires de Marcoule, de Pierrelatte-Tricastin, de La Hague, de Saclay, du Bouchet (Essonne), du Bosc (Hérault), de St-Priest-la-Prugne (Loire)…
Les rejets émis par les anciennes mines d’uranium en Limousin (Jouac, Bellezane, Brugeaud, Bessines…) qui renferment la majorité des 50 millions de tonnes des résidus miniers français provenant de l’extraction de l’uranium. Le dépôt des boues qui ont été stockées par la COGEMA (devenue ORANO) entraîne des écoulements radioactifs qui gagnent le lac de St-Pardoux. Après la plainte déposée, en 2002, par l’association “Sources et rivières en Limousin” et le procès en 2005, la pollution du lac a été reconnue et le plan d’eau fut curé en automne 2006. Mais, pour l’association, cette opération ne supprime pas la source de pollution en amont du lac.
Et concernant les rémanences radioactives consécutives aux essais de la bombe dans l’hémisphère nord et à l’accident de Tchernobyl, nous renvoyons au document de l’IRSN.
Traditionnellement, la France est un pays d’économie pluviale. Les productions agricoles s'effectuent grâce aux pluies et jusqu’à récemment et à part dans le sud, on n’a jamais construit des systèmes complexes pour puiser, stocker, distribuer l’eau comme dans les pays dominés par la sècheresse. La gestion de la pénurie d’eau n’était traditionnellement pas centrale dans l’activité économique du pays.


Cependant, avec la sècheresse qui s’aggrave, la pollution des eaux par les pesticides et la radioactivité il devient de plus en plus d’actualité de la gérer et elle devient un élément fondamental non seulement pour assurer l’activité économique, mais aussi la vie elle-même.


C’est une conséquence de la société thermo-industrielle et du nucléaire.

JL Pasquinet

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