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Décroissance Ile de France
2 mars 2020

Création monétaire et urgence écologique d’après Christian Mange



Si on ne comprend pas le processus monétaire, on ne peut pas comprendre pourquoi nous sommes si proches du gouffre. Nous ne parlons pas de gouffre financier mais écologique.

Prenons le problème par la fin :

Rien ne s’oppose à l’industrie prédatrice (extractivisme) si l’argent est là et les gouvernements le permettent.
L’argent est là si il y a consensus sur le retour sur investissement et en plus l’adhésion du peuple au projet si il s’agit d’investissements de l’État.

De quelle façon l’argent sera disponible ?

Les projets capitalistes demandent beaucoup d’argent. Il existe plusieurs possibilités pour se financer :
-recourir aux investisseurs privés (marchés d’actions, introduction en bourse)
-recourir aux investisseurs institutionnels  (fonds d’investissement, compagnies d’assurance par l’achat d’actions et d’obligations)
-recourir aux banques commerciales (prêt bancaires)

La Création monétaire

Autrefois, l’État utilisait souvent la création monétaire pour aider des gouvernants à se faire réélire, mais cela avait une contre partie : l’inflation des prix due à l’augmentation de la masse monétaire sans production supplémentaire. Les gouvernements créaient la monnaie nationale et avaient également la possibilité de le dévaluer pour améliorer sa compétitivité par rapport aux autres monnaies ce qui constituait une entrave au commerce entre pays laxistes et pays vertueux.
Avec les accords de Bretton Woods en 1944 (note1) on voit émerger le FMI (Fond monétaire international) organe international chargé de maintenir l’équilibre entre les différentes monnaies participant à l’économie mondiale.
La Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont tous deux été créées suite à la conférence de Bretton Woods en 1944, entrée en vigueur en 1945. Le FMI a son siège à Washington et est gouverné par 184 États membres, ce qui lui donne une dimension quasi universelle.
                (Note1) Selon ses Statuts, le FMI a pour buts de promouvoir l’expansion harmonieuse du commerce mondial et la stabilité des changes, de écourager   le recours aux dépréciations concurrentielles et de faciliter la résolution ordonnée des problèmes de balance des paiements.
    Les pays qui ont adhéré au FMI entre 1945 et 1971 se sont engagés à maintenir la parité de leur monnaie (en fait, la valeur en dollars de celle-ci et, dans le cas des États-Unis, la valeur en or du dollar) à un taux qui pouvait être ajusté, mais seulement pour corriger un « déséquilibre fondamental » de la balance des paiements, et avec le consentement du FMI. Ce système de taux de change, dit de « Bretton Woods », est resté en vigueur jusqu’en 1971, date à laquelle le gouvernement des États-Unis a suspendu la convertibilité en or du dollar (et des réserves en dollars détenues par les autres gouvernements). Depuis lors les Etats sont libres de choisir leur régime de change.

A l’occasion des accords de Maastricht (note2) et de l’article 104 en 1992, pour cause de monnaie unique les banques centrales ds pays membres ne peuvent plus faire d’avance de trésorerie aux États.

                   (Note 2) L’accord de Maastricht est le traité fondateur de l'Union européenne. Il structure l'Union européenne autour de trois piliers : les Communautés européennes, la Politique étrangère et de sécurité commune, et la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Le traité institue également une citoyenneté européenne, renforce les pouvoirs du Parlement européen et institue l'Union économique et monétaire. En matière de politique monétaire, les États de la zone euro ont transféré de nombreux pouvoirs souverains à la Banque centrale européenne qui peut prendre des décisions en la matière.

Aujourd’hui adossée à la confiance dans l’économie et non plus à la disponibilité de réserves d’or qui étaient jugées comme un frein au développement et qui était de rigueur avant la disparition en dernier de cette règle pour le dollar, la création monétaire se trouve décorrélée de la contrainte naturelle que représentait l’or par sa rareté. Ce système d’indexation du dollar sur l’or va exister de 1945 à 1971 lors des accords de « Bretton Woods » et sera remis en cause en 1971 par Richard Nixon ; il était déjà de vigueur pour presque toutes les monnaies jusqu’après la première guerre mondiale  puis remis en place avec ces accords. Les autres monnaies se sont retrouvées quant à elles indexées sur le dollar. Les USA accaparaient à ce moment là 80 % des réserves d’or mondiales.

Les pays européens, Japon et ceux auxquels les USA avaient prêtés massivement des dollars ne menaçaient la réserve en or des USA en exigeant la convertibilité en or. confié aux banques privées

Autrement dit comment l’argent va émerger ?

La réponse tient en un mot : crédit, car aujourd’hui ce n’est plus l’État avec sa banque centrale qui a le pouvoir de créer de l’argent, mais les banques commerciales privées en octroyant des crédits, sous le contrôle des Banques Centrales (la BCE pour les pays de la zone euro).
Les banques commerciales (privées) vont créer la monnaie « ex- nihilo » (à partir de rien) via le crédit, monnaie appelée monnaie scripturale ou monnaie de compte. Il s’agit d’une opération comptable dans les livres de la banque. La création se fait contre paiement d’un taux d’intérêt. À chaque instant, des crédits sont octroyés et d’autres remboursés.

Le taux d’intérêt : prédateur de l’écologie !

Le remboursement du prêt + le taux d’intérêt poussent à la croissance pour pouvoir rembourser les taux d’intérêt. L’économie est donc obligée de croître au rythme des taux d’intérêts en plus des profits pour les actionnaires, emmenant avec elle la croissance de la consommation d’énergie, donc du coût de celle-ci et donc de la demande de crédits.

Le crédit bancaire : un système efficace mais dangereux

La somme de tous ces crédits constitue la richesse de l’économie et devront tous être remboursés.  N’oublions pas : Les crédits font les dépôts et non l’inverse. L’argent thésaurisé (épargne, placements) constitue les fonds propres des banques ce qui leur permet de créer de nouveaux crédits. Ce système ne doit pas s’arrêter sinon c’est la crise de liquidités qui empêchera l’économie de se financer, et qui débouchera sur une crise économique.

Aujourd’hui que trouve t’on comme monnaies ?

La monnaie fiduciaire dépendante de la monnaie scripturale créee.
La monnaie fiduciaire (monnaie centrale) : Les billets de banque (1250 milliards d’euros dont 600 millions sous les matelas en 2019), monnaie des banques commerciales en compte dans les banques centrales
La monnaie scripturale ou comptes courants, les crédits octroyés à concurrence des fonds propres des banques commerciales, soit 10,5% des engagements en 2019 d’après les accords de BâleIII (note3)
richesse des banques (services rendus, perception des taux d’intérêts)

                (Note3) L’accord de Maastricht est le traité fondateur de l'Union européenne. Il structure l'Union européenne autour de trois piliers : les Communautés européennes, la Politique étrangère et de sécurité commune, et la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Le traité institue également une citoyenneté européenne, renforce les pouvoirs du Parlement européen et institue l'Union économique et monétaire. En matière de politique monétaire, les États de la zone euro ont transféré de nombreux pouvoirs souverains à la Banque centrale européenne qui peut prendre des décisions en la matière.

Les nouvelles monnaies (crypto) en dehors des banques traditionelles

Issues de la volonté de retirer aux banques le privilège de la gestion monétaire. Elles doivent avoir la confiance du public et reprendre les rôles de la monnaie : Intermédiaire des échanges, unité de compte, réserve de valeurs. Basé sur des processus de création et de suivi s’appuyant sur des technologies informatique, elles sont aujourd’hui très énergivore car s’appuyant sur l’exécution de processus complexes et longs (block chain). Les gens mettant en œuvre ces processus sont appelés « mineurs » et sont rétribués avec ces monnaies elles-mêmes (Bitcoin par exemple).
La crise financière de CHYPRE en 2013 est un bon exemple d’utilisation du bitcoin puisque les investisseurs du pays ont vidé leurs compte en euros vers des comptes en bitcoin pour échapper au risque de ponction que l’état chypriote envisageait pour sortir de la crise.

Ce que coûte la création monétaire :

Prenons le cas de l’Europe.
La BCE  fixe le taux directeur (note4) de la monnaie centrale et stimule la demande de crédit des agents économiques. Les banques sont en effet obligées de respecter ce taux pour établir leur propre taux d’intérêt qui constituera leur marge pour cette activité d’octroi de crédit. Les banques sont tenues de s’approvisionner en monnaie centrale sous forme de billets de banque et de s’acquitter en monnaie centrale de 2 % des crédits accordés ce qui correspond aux réserves obligatoires dues à la banque centrale.
Pour information, le volume des billets de banque en circulation représentait 1250 Milliards d’euros dont 600 Milliards d’euros inutilisés (sous les matelas).

                   (Note 4) Le taux directeur de la Banque centrale européenne et des autres banques centrales est le taux de refinancement minimum. C'est le principal outil dont dispose la BCE pour influer sur l'octroi de crédits et moduler l'inflation dans la zone euro.
    Cet instrument, utilisé lors des opérations hebdomadaires de refinancement par la BCE pour alimenter les banques en liquidités, est le véritable baromètre du coût du crédit dans les dix-neuf pays qui ont adopté la monnaie unique européenne.
    Les banques qui veulent se refinancer à court terme peuvent le faire en payant un intérêt sur la somme qu'elles empruntent auprès des banques centrales de leurs pays respectifs. Cet intérêt est calculé d'après le taux en cours à la BCE. Si ce taux d'intérêt est élevé, les banques vont limiter leurs crédits sachant que le refinancement leur sera coûteux, elles auront le comportement inverse si ce taux d'intérêt est faible.
    Les banques répercutent ensuite, en principe, ce loyer sur les intérêts des crédits qu'elles accordent à leurs propres clients. Plus le taux de la BCE est bas, plus le coût du crédit a une probabilité d'être bas ce qui, en théorie, favorise la croissance.
    À l'inverse, une hausse du taux du crédit permet théoriquement de ralentir la demande et par conséquent d'éviter une surchauffe génératrice d'inflation.

L’économie mondiale est suite à la crise financière de 2008 ajouté à une morosité ambiante en décroissance (pas en récession qui signifie un taux de croissance inférieur à zéro) ce qui a poussé la BCE (à l’instar de la FED US) d’engager une campagne de rachat de titres douteux (QUANTITIVE EASING) auprès des banques commerciales pour les réapprovisionner en monnaie centrale ce qui a eu pour conséquence mécanique l’apparition de taux négatifs. Une politique monétaire qui tient au fait que la banque centrale n’a plus beaucoup de marge de manœuvre pour relancer l’économie. Des taux très faibles, voire négatifs, permettent d’exercer une pression à la baisse sur le taux d’intérêt et d’inciter les acteurs économiques à faire circuler l’argent dans l’économie réelle plutôt que de le laisser dormir dans un coffre, où il ne rapporte rien. De plus les excédents que les banques commerciales déposent à la banque centrale leur coûtent de l’argent, elles sont incitées à prêter cet argent à l’économie.

Ce qui est nouveau, c’est que la France « offre » désormais sur le marché des titres à rendement négatif : l’Agence France Trésor (l’organisme chargé de négocier le déficit financier de la France auprès des institutions financières) vend, depuis deux ans, des obligations d’État qui coûtent plus qu’elles ne rapportent à leurs souscripteurs – le déposant confie son argent à l’État en rémunérant ce dernier.

les crises financières

Les défauts de remboursement des crédits sont la cause principale des crises financières. La hausse des taux d’intérêts peut empêcher les remboursements. Dans ce cas les banques se trouvent en difficultés et doivent se refinancer sur le marché interbancaire lui-même soumis à une hausse des taux voire le dit marché asséché, la confiance entre les banques étant cassée les banques ne se prêtent plus entre elles, victimes de l’effet boule de neige.
Pourtant la nécessité de remettre les compteurs à zéro en faisant éclater les bulles financières causent des dégâts économiques et sociaux gigantesques, seuls les grosses banques (too big to fail) tirent leur épingle du jeu, secourues par les états donc par le peuple. Ceci est arrivé en 2008 pour des banques françaises ; les banques ont remboursé mais l’état a été là ce qui a mis en évidence la crise systémique. De plus l’état (donc nous) garantie les remboursement à concurrence de 100K€ pour les comptes de particuliers, quid des entreprises. Pour rappel, la de 2007-2008 a coûté 1825 Milliards d’€ à l’Europe et seuls 600 Milliards € ont été rachetés, ce qui apporte de l’eau au moulin des détracteurs du système financier tel qu’il est construit.

Qui emprunte à taux négatif ?

Les États et les banques commerciales, mais pas les particuliers : le code civil l’interdit, comme il défend à une banque de prêter à perte (articles 1892 et 1902). Si les banques centrales peuvent prêter de l’argent avec des intérêts négatifs aux banques commerciales, ces dernières ne peuvent pas en faire de même avec leurs clients : tout contrat de prêt stipule que le remboursement intégral est une obligation pour l’emprunteur.

Monnaie et décroissance :

En conclusion, la monnaie dans notre système est faite pour assurer la croissance, d’abord dans l’intérêt direct des Etats-Unis en 1945 et de la reconstruction dans les pays dévastés par la guerre, à partir des années 1970-1980, devant la résurrection des vieux pays industriels en Europe et au Japon menaçant l’hégémonie des Etats-Unis, une nouvelle organisation se met en place elle va permettre outre d’éviter aux Etats-Unis d’assumer les conséquences de l’étalon-or, de profiter de nouveaux marchés hors des pays industrialisés et ensuite de remplacer la division Est-Ouest par la mondialisation. L’origine de la création monétaire aussi a changé. A l’origine c’était une prérogative de l’Etat, mais de plus en plus elle devient virtuelle (« scripturale ») et le rôle des banques est déterminante. Aujourd’hui avec le développement d’Internet, on voit apparaître des monnaies totalement virtuelles comme le « bitcoin », et peut-être un jour la libra. Néanmoins, la monnaie est encore produite majoritairement par les banques via le crédit et l’obligation de remboursement, pousse à la croissance.

Quelle pourrait être les propositions de la décroissance en ce qui concerne la monnaie ?

Voici quelques revendications qui pourraient être soutenues par la décroissance, d’après Christian Mange :

-La volume de monnaie devrait être indexée sur l’économie réelle, seule une fraction de la monnaie doit être dans le marché monétaire, l’autre partie utilisée uniquement pour les échanges marchands.
-Le crédit doit être limité et les entreprises ne se financer que sur le crédit présent sur le marché afin d’éviter les emprunts spéculatifs

-Les états devraient pouvoir s’autofinancer comme avant, les excès étant automatiquement sanctionnés par une parité monétaire défavorable. Implique le retour à la monnaie nationale ou considérer l’Europe comme une seule nation avec tout ses citoyens, utopique compte tenu de la diversité despopulations et de leur histoire.
-En conséquences abandon pur et simple du système de réserves fractionnaires qui permettent la création ex-nihilo sauf pour les investissements des états contrôlés par la banque nationale
-Cette contrainte d’autofinancement pourrait réduire l’effet concurrentiel entre les états avec un impact sur la production de marchandises.
-La monnaie et la finance en générale sont des opportunités d’enrichissement pour certains, elle ne doit donc exister que pour les échanges économiques et les financements du long terme. Donc ne pas pouvoir thésauriser.
-Alors que les gens sont au chômage, que les matériaux sont là, l’hôpital ne se construit pas car il n’y-a pas de financement ! Trouvez l’erreur.
- et beaucoup d’autres choses à dire...


Il y a un débat sérieux à avoir pour ces points, extrêmement enrichissant en terme des mise en œuvre d’une société sans croissance et ceci sans tomber dans les pièges politiques habituels...

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Commentaires
O
"Bonjour, vous parlez de ne pas rendre le travail obligatoire. Pour moi, cet un peu une utopie; je pense que le travail doit-être partagé par tous de manière équitable pas pour le capital bien sur mais pour la société, car sinon, qui ferait les sales boulots ? des fous ? suppression de l'héritage ok, j'irais même plus loin : suppression de la propriété privée. L'argent de nos portes-monnaie uniquement pour échanger les marchandises thésaurisation impossible, l'emprunt sans intérêt pour les grands travaux de la société (hôpitaux etc...) gagé par l'état. Pas besoin a priori d'impôts sauf pour faire fonctionner les institutions. Les fonctionnaires payés comme les autres gens avec l'argent distribué équitablement par la banque d'état. Tout ceci est évidemment incomplet. Christian
Répondre
J
L'économie doit donner à tous les humains la possibilité de vivre sans rendre le travail obligatoire en fabriquant l'argent nécessaire pour tous. En même temps il faut éviter trop de thésaurisation par la taxe et l'impôt, et par une suppression de l'héritage. En fait il faut maintenir une certaine quantité qui huile les échanges, ce qui n'empêche pas des prêts sans intérêt, qui oblige à une croissance.<br /> <br /> https://lejustenecessaire.wordpress.com/2018/08/06/premier-article-de-blog/<br /> <br /> L'économie actuelle doit être détruite pour laisser place à autre chose plus écologique.
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